A 9 heures sur la place de la Nation, une dizaine de responsables de la Fédération nationale bovine (FNB) contemplent deux charolaises qui broutent les pelouses au pied de la statue, sur le terre-plein central. Tout est encore calme, les tracteurs ont pris du retard, le flot de voitures est moins important que d'habitude, les Parisiens ont pris leurs précautions et évité la voiture. Sur fond de réglage de la sono, le trésorier explique que « le principal problème, ce sont les normes, les charges sociales et la réglementation ».
Ces points semblent être les « éléments de langage » de la FNSEA, puisque ce sont les mêmes revendications qui reviennent immédiatement parmi les délégations régionales présentes devant l'Assemblée nationale plus tard dans la matinée. Xavier Beulin, le président de la FNSEA, et Thomas Diemer, le président de Jeunes Agriculteurs, ont pris la parole pour annoncer que les revendications de leurs deux syndicats avaient en grande partie été prises en considération, mais qu'il restait encore des points structurels à régler, sur les normes, la réglementation et le différentiel de compétitivité avec l'Allemagne lié aux coûts sociaux. (Voir la VIDEO des intervenants devant l'Assemblée nationale)
Germinal Peiro (PS), député de la Dordogne, est ensuite intervenu, interrompu par les huées : « Tous les parlementaires présents sont là parce qu'ils croient en l'agriculture de notre pays. Mais tout ne se joue pas au Palais-Bourbon, mais aussi au niveau européen et sur le marché mondial. » « Prenez vos responsabilités !», ont hurlé des manifestants.
« Il se trompe », commentent des éleveurs du Bas-Rhin, « on est venu pour trouver des solutions aux problèmes franco-français et il nous renvoie vers l'Europe, il ne comprend pas nos problèmes. »
« Une barquette de porc allemande au “black”, qui ne supporte pas nos charges sociales ! »
Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, a souligné que Stéphane Le Foll porterait leurs revendications lundi prochain à Bruxelles. « L'UE a dérégulé, tous les ministres, de droite comme de gauche, ont signé la réforme de la Pac. Il reste seulement les dispositifs de gestion de crise. Il faut donc qu'ils soient activés. » L'Allemagne et son « dumping social inconcevable » n'a pas échappé aux critiques.
Puis la quarantaine de députés venus à la rencontre des agriculteurs ont entamé les débats avec les éleveurs de leurs circonscriptions. Des débats parfois animés, comme celui entre la députée du Finistère Chantal Guittet et un éleveur de porcs, Charles Donval. Pour ce dernier, le problème ce ne sont pas les prix « même si la hausse du prix au Marché du porc breton (MPB) nous a fait du bien sur le coup. Mais on savait qu'il y aurait un contrecoup après. » Ce qu'il faut, c'est améliorer la compétitivité des entreprises. Et cette compétitivité, les éleveurs ne l'obtiendront qu'en allégeant le coût du travail. « L'Europe sociale, c'est une échéance à 20 ans ! On regrette la TVA sociale qui aurait permis de compenser la différence de prix entre une barquette de porc français et une barquette allemande au “black”, qui ne supporte pas nos charges sociales ! »
L'embargo russe revient également à de nombreuses reprises dans les discussions. « Les éleveurs supportent le poids de l'embargo qui est un choix politique. Sur mon exploitation, cet embargo me coûte 200.000 € ! » Les débats ne se limitent pas aux échanges entre éleveurs et députés. Parfois, des échanges virulents se nouent sur « la Cooperl qui devrait se remettre en cause » ou « les banques qui nous lâchent ».