« Manger ou construire, il faut choisir » : les banderoles déployées par les Jeunes Agriculteurs de l'Eure devant la salle du débat public sur la future ligne ferroviaire Paris-Normandie donnaient le ton.
Organisée le 12 janvier 2012 à Evreux en présence de Réseau ferré de France (RFF), la réunion consacrée aux conséquences sur l'agriculture et l'environnement a rassemblé près de six cent personnes.
Cette ligne à grande vitesse est prévue dans le cadre du projet « Grand Paris » lancé par le Président de la République. Son objectif est d'atteindre un temps de trajet de 1h15 entre Paris et Le Havre ainsi qu'entre Paris et Caen, contre près de deux heures actuellement.
Quatre hypothèses de tracés sont à l'étude pour cette ligne qui partira de Paris et desservira d'un côté Rouen-Le Havre, et de l'autre Caen. Selon Réseau ferré de France, elle entraînerait la consommation d'environ 1.500 hectares. La Seine-Maritime et l'Eure perdent déjà 1.800 ha de terres agricoles chaque année.
Lors de la réunion, Daniel Génissel, le président de la chambre régionale d'agriculture de la Normandie, a d'abord rappelé sa volonté de mobiliser le moins de terres possibles et d'éviter les compensations environnementales également consommatrices de foncier.
Mais son homologue de l'Ile-de-France, Christophe Hillairet, a affirmé d'emblée son opposition au projet : « Il s'ajoute à d'autres projets sur la région parisienne : TGV, autoroutes, métro, etc. Plus on découpe, plus il est difficile de faire fonctionner l'économie agricole. »
L'élu préconise d'utiliser les ouvrages existants et s'interroge sur l'intérêt de cette ligne « qui va éloigner encore plus les habitants des villes et provoquer un impact foncier indirect ».
Régis Chopin, président de la FDSEA de l'Eure, se déclare également défavorable au projet « tant qu'il ne proposera pas une consommation foncière plus faible ». Il demande une compensation agricole et écologique. « La biodiversité existe grâce aux agriculteurs », rappelle le syndicat.
Le temps de trajet gagné justifie-t-il l'investissement évalué entre dix et quinze milliards d'euros ? Sur ce sujet, une réunion supplémentaire est organisée le 23 janvier à Rouen pour présenter les résultats d'une « expertise complémentaire » demandée par Europe-Ecologie-Les Verts.
Elle aborde les améliorations qui peuvent être apportées au réseau actuel et le potentiel de la ligne ainsi rénovée. Enfin, marquant également leur opposition, les Jeunes Agriculteurs ont remis symboliquement aux représentants de RFF un sachet de terre avec la mention : « La terre vous nourrit. Préservez-la. Vos enfants en auront besoin ! »