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Les investisseurs chinois friands du « Made in France »

Publié le vendredi 06 septembre 2013 - 15h48

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Plus discrètement que dans les vignobles, les Chinois jettent aussi leur dévolu sur les laiteries françaises pour fournir à leurs bébés du « bon lait » hexagonal. Et si on leur déroule le tapis rouge, cette arrivée suscite parfois des craintes.

 

Qui imaginerait qu'une marque chinoise puisse se vanter de s'approvisionner en lait d'appellation d'origine protégée « AOP Poitou-Charentes » ? C'est pourtant ce qui est écrit noir sur blanc sur le site de Biostime, spécialiste chinois des produits pour bébé.

 

L'entreprise a fait des laits « Made in Europe » son argument de vente. Car, en Chine, les parents ne font plus confiance aux laits produits localement depuis le scandale à la mélamine en 2008 qui a affecté 300.000 nourrissons et tué six d'entre eux. Et ils sont prêts à tout pour trouver des laits fabriqués à l'étranger.

 

Biostime s'approvisionne donc uniquement en Europe : à la Laiterie de Montaigu en Vendée, chez Isigny Sainte-Mère en Normandie, et auprès d'Arla, au Danemark. Un simple contrat commercial le lie à la Laiterie de Montaigu. Avec Isigny, le partenariat va plus loin : le chinois investit 20 millions dans le Calvados pour l'aider à construire une usine lui permettant de plus que doubler ses capacités de production (à 50.000 tonnes). En échange, la coopérative s'engage à réserver un tiers de sa production à Biostime et lui offre un siège (sur 15) à son conseil d'administration.

 

Pour la directrice commerciale des laits infantiles d'Isigny, Valérie Mariaud, ce partenariat s'inscrit dans « l'opportunité de la fin des quotas laitiers (en 2015) qui va nous permettre d'augmenter notre capacité de production avec les éleveurs ». Elle fait valoir qu'« en choisissant Biostime, qui communique sur l'origine de son lait, on ne peut pas craindre qu'ils aillent développer le produit en Chine », avec du lait chinois.

 

Une laiterie chinoise en Bretagne

 

Les Chinois sont loin de produire assez de lait pour eux. Alors ils vont s'approvisionner à l'étranger, en Nouvelle-Zélande surtout, en Europe aussi.

 

Ils ont « peur de ne pouvoir produire suffisamment », ils ont donc « la volonté de sécuriser les approvisionnements », analyse une source diplomatique à Pékin. « Ils cherchent également à parfaire leur notoriété sur le plan international par des acquisitions de marques ou de savoir-faire, dans le lait mais aussi le porc comme aux Etats-Unis ou le soja en Amérique du Sud ».

 

Beaucoup en France ont donc été approchés. « Oui, nous sommes sollicités par un groupe chinois », raconte à l'AFP Gilles Falc'hun, patron du groupe Sill (yaourts Malo, lait Matines...), approché car il veut construire une nouvelle usine à Plouvien (Finistère) pour se lancer dans la production de poudre de lait infantile.

 

Chez Lactalis aussi, « on a pu avoir des demandes ici ou là mais notre stratégie n'est pas de ce type : nous souhaitons vendre principalement sous nos propres marques », explique à l'AFP Michel Nalet, porte-parole du groupe familial. Lactalis est le plus grand groupe laitier au monde avec des marques comme Lactel, Président ou Galbani. Sa puissance lui permet d'avancer seul en Chine, contrairement à d'autres.

 

Sodiaal (Yoplait, Entremont...) par exemple a mis en place une double stratégie. Cet été, le groupe coopératif annonçait l'arrivée de sa marque Candia sur le marché chinois. En parallèle, il a noué en France un accord avec Synutra, le quatrième producteur chinois de lait infantile. Là encore, il s'agit de construire une usine de séchage de lait en poudre d'une capacité 100.000 tonnes par an à terme, selon Synutra. L'usine, en construction à Carhaix (Finistère), appartient à 90 % aux Chinois, qui y investissent 90 millions d'euros. « Sincèrement, je ne sais pas si c'est bon pour nous, car à combien ils vont nous acheter le lait ? », s'inquiète Jean-Michel Favennec. Installé à une trentaine de kilomètres, cet éleveur membre de la Coordination rurale livre son lait à Sodiaal. C'est la plus grande crainte des éleveurs : que les Chinois fassent pression sur les prix.

 

Diplomatie et contreparties

 

« Je vois mal les Chinois nous acheter de la poudre de lait infantile à 320 euros la tonne, si les cours sur le marché mondial sont plus bas », renchérit Eric Duverger, éleveur pour Sodiaal en Ille-et-Vilaine et membre de la Confédération paysanne. « Le partenariat court sur 10 ans. Des éleveurs vont augmenter leurs capacités de production pour fournir aux Chinois mais si au bout de 10 ans ils partent, il se passe quoi ? », interroge-t-il.

 

 

François Souty, professeur à l'université de La Rochelle et spécialiste du droit de la concurrence, lance une mise en garde : « si on vend du lait français sous marque chinoise sans mécanismes de contrôles stricts en Chine, ce qui nous pend au nez, c'est un problème sanitaire avec toutes les répercussions que cela pourrait avoir en termes d'image, comme on vient de voir avec le néo-zélandais Fonterra (...). Car qui va contrôler les process », une fois la marchandise en Chine  ?

 

Dans cette histoire, « on peut se demander si on n'est pas un peu les dindons de la farce. D'un côté, les Chinois collent aux marques étrangères une enquête puis une amende pour entente sur les prix. Et, de l'autre, ils viennent capturer les sources d'approvisionnement dans les pays d'origine avec comme objectif stratégique fondamental de mettre la main sur de la ressource pas chère puis de la faire distribuer par des marques chinoises avec le label "produit de France" », poursuit l'universitaire. Un point de vue que ne partage pas le gouvernement.

 

Interrogé par l'AFP, le ministre délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot, ne pense que « du bien » de ces investissements chinois. « Au nom de quoi se priver d'un investissement qui valorise la qualité française et crée des emplois ? », demande le ministre d'un gouvernement qui s'est fixé comme priorité de réussir à inverser la courbe du chômage (la nouvelle usine d'Isigny va créer une centaine d'emplois, celle de Synutra 75 à 100). Dans ces conditions, Guillaume Garot assume le fait de suivre ces dossiers « pas à pas », comme lorsqu'il est récemment intervenu pour obtenir plus rapidement le permis de construction de l'usine Synutra en Bretagne.

 

In fine, la France espère bien obtenir des contreparties de ce bon accueil, comme l'autorisation de vendre la charcuterie française en Chine, qu'elle n'a toujours pas obtenue...

 

 


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