La Commission européenne a donné un sursis à la France en repoussant une décision controversée qui pourrait aboutir à la disparition de l'indication géographique « Gruyère français » au profit du gruyère suisse, a indiqué jeudi un porte-parole. « La décision finale sur le traitement de la demande française n'est pas encore intervenue », a-t-il souligné.
« La Commission a convenu avec la France de donner un peu plus de temps aux producteurs de gruyère en vue de trouver une solution prenant en compte les intérêts des producteurs, tout en étant conforme avec la réglementation européenne », a-t-il ajouté.
Jusqu'ici, les deux appellations d'origine contrôlée (AOC) « Gruyère suisse » et « Gruyère français » coexistent. Les deux pays ont demandé à Bruxelles de reconnaître leurs AOC en appellations d'origine protégées (AOP), l'équivalent européen de l'AOC.
Or un projet d'accord entre l'UE et la Suisse destiné à garantir la reconnaissance mutuelle de leurs indications géographiques respectives risque d'aboutir au maintien du seul Gruyère suisse, si Bruxelles refuse de reconnaître l'AOC française en AOP.
Cette décision était initialement à l'ordre du jour de la Commission européenne pour la mi-mars 2010, et tout semblait indiquer que la demande française allait être rejetée, ont indiqué plusieurs sources proches du dossier.
Bruxelles estimait que le dossier français n'était pas suffisamment étayé. Le cahier des charges du « Gruyère français », spécifiant les obligations des producteurs, poserait un problème, selon ces sources.
Le projet d'accord entre l'UE et la Suisse prévoit la reconnaissance d'une trentaine d'indications géographiques suisses – dont le célèbre fromage à pâte pressée – et de quelque 160 produits français.
Si l'AOC française n'obtient pas le statut d'AOP, l'accord prévoirait une phase transitoire durant laquelle la dénomination Gruyère pourrait continuer à être utilisée pour le fromage français. Si le dossier français passe au contraire la barre de l'AOP, les deux appellations pourront continuer à coexister.
Bruxelles promet par ailleurs de mettre « tout en œuvre pour présenter dans les prochains mois » une proposition d'accord au Parlement européen et aux gouvernements des 27.
Les députés français ont adopté, mercredi, en commission des Affaires européennes, une proposition de résolution européenne visant à garantir la dénomination du gruyère français au même titre que le gruyère suisse.
Si les députés français se félicitent que la Commission européenne ait retiré pour l'heure sa proposition de rejeter la demande française d'enregistrement du gruyère en AOP (appellation d'origine protégée), ils demandent à Bruxelles d'effectuer un « réexamen approfondi et objectif » du dossier de Paris.
Ils notent qu'un refus d'AOP aurait « des répercussions commerciales extrêmement pénalisantes pour la production française du gruyère », qui représente 2.000 tonnes par an.