« Nous demandons le retrait des variétés illégalement inscrites », a déclaré Pierre Bihan-Poudec, président de la section nationale des producteurs d'échalote traditionnelle, lors d'une conférence de presse le 25 avril 2013 à Paris. Une réclamation qui fait suite à l'inscription au catalogue officiel, par le semencier Bejo, via sa filiale néerlandaise De Groot en Slot, d'échalotes de semis, qui sont en réalité des hybrides d'oignons. Les échalotes traditionnelles se reproduisent de manière végétative par la plantation de bulbes.
Au mois de février 2013, un rapport, issu d'une expérimentation menée par le Géves (Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences) sur deux ans, a apporté la preuve que les échalotes de semis sont en réalité des oignons. Pour les 400 producteurs d'échalote de Bretagne et la cinquantaine de producteurs d'Anjou, le doute n'est plus permis, « il y a tromperie du consommateur ».
Pourtant, les producteurs croyaient avoir réglé le problème quand, en 2005, un accord européen avait donné une définition technique permettant de différencier précisément l'oignon de l'échalote. S'en était suivi un retrait des catalogues semenciers officiels des échalotes de semis. Leur réinscription n'aurait dû pouvoir se faire qu'après que ces variétés eurent satisfait au nouveau protocole défini par l'OCVV (Office communautaire des variétés végétales), censé prouver que ces échalotes de semis n'étaient pas des hybrides d'oignons.
« Mais, dans la pratique, la maison semencière hollandaise a réinscrit ses variétés sans respecter le protocole », a dénoncé Pierre Bihan-Poudec. Pour lui, le ministère de l'Agriculture néerlandais ferme les yeux sur le non-respect des procédures d'inscription des variétés par ses obtenteurs.
Fort du rapport du Geves, la section nationale va saisir, en mai, au niveau européen, la DG Sanco (direction générale de la Santé et des Consommateurs de l'UE) afin qu'elle se retourne vers le ministère de l'Agriculture néerlandais pour le mettre en demeure de respecter le protocole d'inscription des variétés d'échalote. Cette procédure pourrait déboucher sur une mise en astreinte par l'Union européenne des Pays-Bas tant que le protocole ne sera pas respecté.
Pierre Bihan-Poudec estime que cette mise en demeure pourrait être effective pour la fin de 2013. Le principe de codécision de l'Union européenne entre la Commission et le Parlement constitue aussi un espoir pour les producteurs d'échalote traditionnelle de voir aboutir leur demande puisqu'ils sont soutenus dans leur démarche par deux députés européens, à savoir Agnès Le Brun et Michel Dantin.
« Si rien n'est fait, les producteurs d'échalote traditionnelle ne pourront pas lutter », a expliqué Hubert Le Nan, producteur à Plouescat, en Bretagne. Selon lui, il faut plus de 400 heures de travail par hectare pour produire de l'échalote traditionnelle, lorsqu'il n'en faut qu'une cinquantaine pour l'échalote de semis.
Pour Pierre Bihan-Poudec, cette situation menace la filière de l'échalote traditionnelle en France. Avec 6 % des 1.500 hectares d'échalotes cultivés en France, l'échalote de semis représenterait 10 à 15 % des 40.000 tonnes d'échalote produites en France, et un manque à gagner de 3 millions d'euros par an pour les producteurs d'échalote traditionnelle.