Le béton qui avance, la forêt qui recule ou des terres agricoles qui disparaissent : les instituts de recherche français viennent de passer un accord avec Airbus Defence and Space pour surveiller l'évolution des sols et guider les décideurs.
Pas mieux qu'un satellite en orbite à plus de 600 km au-dessus de la Terre pour placer les sols et le littoral sous la loupe. Six instituts spécialisés en agriculture, environnement et recherche spatiale - Cirad, IGN, IRD, Irstea, CNES et CNRS - ont signé jeudi, en marge du Salon aéronautique du Bourget, un accord-cadre avec la branche satellite de l'avionneur, qui s'engage à leur fournir pendant 5 ans (2015-2020) des images de très haute précision sur une couverture très étendue, de l'Europe du Nord à la rive sud de la Méditerranée, indique Nicolas Baghdadi, directeur de recherche en télédétection à l'Irstea (Institut des sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture), à Montpellier.
« Mais nous pouvons aussi demander des images hors cadre, du Brésil par exemple. Nous achetons à Airbus un certain nombre d'images fournies par les satellites Spot 6 et 7, un peu à la manière des tickets pour les tours de manège, qui vont fournir aux scientifiques et aux responsables des politiques publiques une photographie précise, détaillée à très haute résolution du territoire (..) C'est un outil de très haute technologie unique en Europe », insiste M. Baghdadi, qui pilote également le pôle Theia, filière de télédétection pour un réseau de 11 institutions de recherche.
« On voit les limites des parcelles »
Le béton qui avance, la forêt qui recule ou des terres agricoles qui disparaissent (l'équivalent d'un département par décennie) : rien n'échappera à l'œil des Spot 6 et 7, sans équivalent pour leurs caractéristiques : dimensions au sol des images (jusqu'à 600 km de large), taille des pixels (1,50 m), prises de vues très répétitives...
« Avec Spot 6-7, on voit les limites des parcelles et leur couvert, vignes, arbres, si elles sont homogènes », explique Pierre Maurel, coordinateur de Géosud, autre programme d'information spatiale au service de l'agriculture et du développement. « On arrivera à cartographier les sols artificialisés sur l'ensemble du territoire, comme on l'a fait déjà pour le Languedoc-Roussillon : c'est un problème aigu en France et dans le monde en général. »
La végétation suivie semaine par semaine
A la fin juin, avec les images du nouveau satellite européen Sentinel-2 (également construit par Airbus Defence & Space), d'une résolution inférieure (20 m, contre 1,50 m) mais qui couvrira des zones de 290 km de large tous les 15 jours, les chercheurs pourront suivre une évolution de la végétation dans le temps, semaine par semaine.
« Sentinel-2, très complémentaire, va nous permettre d'estimer le type de culture le mieux adapté, celles qui se déplacent vers le nord du fait du changement climatique et d'optimiser les besoins en eau. Particulièrement adapté pour lutter contre la sécurité alimentaire ».
Un service à la disposition des pays du sud, couverts par l'achat d'images, qui en feront la demande, rappelle Pierre Maurel. « Ces images sont d'autant plus précieuses au sud de la Méditerranée, dans les pays qui ont des territoires difficiles d'accès en raison de conflits par exemple, ou qui manquent d'autres sources de données ».