Stéphane Le Foll était déjà parti quand Bernard Lannes, fraîchement réélu à la tête de la Coordination rurale (CR), a prononcé son allocution finale du congrès de la CR à Saint-Malo.
« Mais il a lu mon discours et sait que je l'aurais prononcé en le regardant dans les yeux s'il avait été là », a précisé le syndicaliste, qui s'est donc permis d'interpeller le ministre. « Votre réforme n'est pas la nôtre ! », a-t-il notamment affirmé au sujet de la Pac.
« Les principes de la CR sont simples : équité et revenu pour tous les agriculteurs. C'est pour ça que nous demandons le découplage total des aides. » L'idée n'étant pas que les agriculteurs vivent d'une rente, mais qu'ils soient « libérés du carcan » où on veut les enfermer pour les « réduire à de simples apporteurs de matières premières à bas prix ».
Le président de la CR a rappelé les principales revendications du syndicat, dont la consécration du pluralisme syndical, la suppression du caractère obligatoire de la contractualisation, la reprise en main des coopératives par les agriculteurs, la mise en place d'une TVA sociale... Il a appelé les adhérents du syndicat à ne pas pratiquer la politique de la chaise vide, surtout en matière d'écologie, pour ne pas laisser trop de marge de manœuvre à des militants écologistes déconnectés des réalités du terrain. En affirmant au passage : « Les premiers écologistes, c'est nous ! »
Bernard Lannes a imposé comme condition à l'agroécologie et à l'agriculture durable « qu'elles s'appuient sur une rémunération décente ». Et a fait un rapide calcul mathématique pour montrer qu'une revalorisation des prix sortie ferme n'impacterait qu'à la marge le budget des ménages. « C'est du niveau CM2, bien au-dessus de l'ENA », a-t-il ironisé.
Le fait d'avoir poussé les agriculteurs à se spécialiser depuis des années a conduit à les dresser les uns contre les autres, a-t-il encore regretté, en estimant que la réforme de la Pac avait peut-être réussi une seule chose : diviser les agriculteurs. Or, « ce n'est pas indécent que des céréaliers gagnent leur vie ; ce qui est indécent, c'est que des éleveurs perdent la leur ». « Tous unis, on retrouvera un revenu décent », a conclu le président de la CR, sous un tonnerre d'applaudissements.