L'ONG humanitaire ActionAid a dénoncé mercredi un projet suisse de production d'agrocarburants au Sierra Leone, pourtant présenté comme exemplaire dans l'UE, l'accusant de spolier et paupériser la population locale.
Selon l'ONG, ce projet du groupe suisse Addax visant à l'exportation d'éthanol vers l'UE à partir de 2014 génère pauvreté et insécurité alimentaire pour quelque 13.000 habitants de 60 villages de la région de Bombali (nord), dans un des pays déjà les plus pauvres au monde.
Addax s'était pourtant engagé à suivre un rigoureux cahier des charges, y gagnant un soutien financier émanant de cinq Etats membres de l'UE (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Suède et Grande-Bretagne) et un satisfecit de la Commission, a souligné dans une conférence de presse à Bruxelles un responsable de l'ONG, Tim Rice.
« Ce qui nous préoccupe aussi est la contradiction que représente ce projet avec l'engagement de l'UE à ne pas importer d'agrocarburants en provenance des pays les plus pauvres », a pour sa part relevé Abass Karamara, militant anti-pauvreté du Sierra Leone. Selon lui, la compagnie suisse s'est appuyée sur des notables et les autorités locales pour assurer ses droits à exploiter pour 50 ans 57.000 hectares affectés à la canne à sucre, forçant la main des exploitants locaux.
Le groupe a aussi rompu sa promesse de ne pas mettre la main sur les rizières nourrissant les villages et n'a offert que 1.500 emplois, la plupart mal payés, sur les 4.000 promis, sans non plus mettre en œuvre ses engagements à construire écoles et cliniques, a-t-il notamment accusé.
Concluant son rapport « Promesses brisées » consacré à cette affaire, l'ONG demande aux donateurs soutenant le projet d'exiger d'Addax qu'il renégocie en faveur des communautés locales les modalités de son projet.
Selon ActionAid, cette affaire doit aussi inciter les instances européennes à revenir sur le soutien apporté dans un premier temps par l'UE aux agrocarburants au vu de leur impact négatif sur les productions alimentaires.
Le Parlement européen doit se prononcer la semaine prochaine sur une série de mesures destinées à encadrer cette production, tiraillé entre, d'une part, l'industrie du secteur qui rejette ce coup de frein et, d'autre part, les militants contre la pauvreté.