Le groupe agrochimiste américain DuPont et son homologue suisse Syngenta ont entamé des discussions pour fusionner, rapporte jeudi le Wall street Journal, citant des sources anonymes.
Parallèlement, DuPont envisage également avec son compatriote Dow Chemical de marier leurs engrais, pesticides et herbicides, ajoute encore le journal des milieux d'affaires américains.
Il n'est pas sûr que ces discussions aboutissent à des accords, avertit le Wall Street Journal. Contacté par l'AFP, DuPont a indiqué ne commenter ni les rumeurs ni les spéculations. Syngenta et Dow Chemical n'ont pas répondu dans l'immédiat.
Fin octobre, DuPont, dont la PDG a démissionné à la surprise générale il y a quelques semaines, avait annoncé discuter avec des concurrents de l'avenir de ses activités agricoles, dans le cadre d'un plan de restructuration. Il avait promis des annonces d'ici à la fin de l'année.
Dow Chemical, sous la pression de l'investisseur activiste américain Daniel Loeb, a de son côté lancé une revue stratégique de sa branche dédiée à l'agriculture (semences et pesticides). Toutes les options sont sur la table : vente, scission ou maintien.
Quant au suisse Syngenta, il est fragilisé par le départ de son directeur général après avoir rejeté l'offre de fusion à 46 milliards de dollars du géant américain Monsanto.
Grandes manœuvres
Ces grandes manœuvres interviennent dans un secteur agricole bousculé par la chute des prix des matières premières et le ralentissement de grandes économies émergentes comme le Brésil.
Les américains Monsanto, Dow Chemical et DuPont, les allemands BASF et Bayer et le suisse Syngenta, aussi surnommés les « big 6 » du secteur, avancent ainsi leurs pions et s'efforcent de donner un coup de fouet à leurs résultats en projetant des rapprochements de grande envergure. Les négociations vont bon train entre les plus gros vendeurs de pesticides et d'OGM. « Tout le monde parle à tout le monde », a assuré le directeur général de Dow Chemical fin octobre. La consolidation du secteur est « inévitable », selon le patron de Monsanto.
Monsanto a engagé les hostilités au printemps en offrant, en vain, jusqu'à 46 milliards de dollars pour racheter le suisse Syngenta. L'américain « s'est focalisé au cours de la dernière décennie sur le maïs et le soja, l'Amérique du Nord et le Brésil », remarque John Klein, analyste chez Berenberg. Mais l'explosion de la demande de maïs pour l'éthanol aux Etats-Unis ou de soja pour l'élevage en Chine va ralentir ces prochaines années. L'entreprise est donc en quête de sources alternatives de croissance.
Manque d'innovation ?
Les spécialistes de l'agrochimie manquent aussi d'innovation, selon John Klein. « Après 3 ou 4 années de lancements de produits à fort potentiel, les tuyaux sont relativement vides, mis à part peut-être pour Dow ou le portefeuille soja de Monsanto », estime l'analyste. Faute de pouvoir se différencier sur leurs technologies, les grands groupes « vont probablement se faire concurrence sur les prix » et rogner sur leurs profits. D'où la nécessité d'aller chercher de la croissance ailleurs.
Rapprochement, offre amicale ou hostile, aucune opération n'est encore officielle chez les « big 6 » du secteur, qui doivent aussi s'assurer du blanc-seing des autorités de la concurrence. Le remaniement a en revanche déjà commencé pour les entreprises plus petites. Le producteur de potasse canadien Potash a certes renoncé à acquérir son concurrent allemand K+S début octobre. Mais le groupe chimique américain FMC a finalisé en avril l'acquisition du danois Cheminova et son compatriote Platform s'est offert en 2014 l'européen Agriphar, une filiale de l'américain Chemtura, et l'irlandais Arysta LifeScience pour former un pôle agrochimique imposant.
Le français Vilmorin, quatrième semencier mondial habitué aux petites acquisitions à l'international, a pour sa part manifesté son intérêt pour les semences potagères de Syngenta, que le groupe suisse s'apprête à mettre en vente. « Nous ne pouvons pas ne pas regarder » ce dossier, confirme le directeur financier du groupe, Daniel Jacquemond, se disant attentif « aux opportunités qui pourraient se présenter, à partir du moment où elles correspondent à nos capacités financières », même si Vilmorin ne pourra « pas courir tous les lièvres à la fois ».