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Le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a mis en garde le 25 septembre 2014 dans la presse allemande contre la tentation de renégocier certains pans de l'accord de libre-échange UE-Canada (CETA), comme le réclame notamment Berlin.
« Si nous rouvrons les négociations sur CETA, alors c'est la mort de l'accord », a déclaré au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung le commissaire belge, artisan du côté européen de ce texte. Un sommet à Ottawa doit entériner vendredi la fin des négociations et le début du processus de ratification. Le texte de l'accord – quelque 1.500 pages – sera publié vendredi.
Pour Berlin, toutefois, le dernier mot n'a pas encore été dit. « Nous devons essayer de renégocier », a plaidé jeudi devant les députés du Bundestag le ministre de l'Economie, le social-démocrate Sigmar Gabriel.
« Le chapitre sur la protection des investissements n'est pas acceptable en l'état aux yeux de l'Allemagne », a-t-il précisé. Le ministre social-démocrate estime que des pays développés et au système juridique abouti comme le sont le Canada et les pays de l'UE n'en ont pas besoin, et que ces clauses risquent de donner trop de pouvoir aux entreprises.
Selon ses détracteurs, le mécanisme, qui prévoit notamment le recours à l'arbitrage international, pourrait permettre aux multinationales de contester en justice des politiques publiques. Des entreprises américaines de biberons pourraient par exemple poursuivre la France en justice pour avoir interdit le bisphenol A.
La Confédération européenne des syndicats a appelé jeudi au rejet de l'accord s'il n'est pas amendé. Parmi les dossiers sensibles, l'organisation évoque ce mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
« Un débat populiste »
« C'est un débat populiste, mené de manière émotionnelle, attisé sur internet », dénonce M. De Gucht. « Le mécanisme de protection des investissements dans CETA est l'un des plus modernes et des plus transparents qui existent », ajoute-t-il.
« Nous avons mis en place des garde-fous pour éviter les abus et pour rendre sa fonction d'origine à ce mécanisme », souligne aussi un négociateur européen à Bruxelles.
Mais M. Gabriel veut prêcher la bonne parole auprès des autres Européens pour forcer une renégociation de ce point. Pour autant, il ne s'agit pas pour Berlin de se mettre en travers de tout le processus.
« Nous avons atteint beaucoup de choses, CETA est un bon accord, ce serait une erreur de le bloquer », a-t-il dit jeudi.
IGP contre viandes bovine et porcine
A Bruxelles, les négociateurs sont très satisfaits de l'accord trouvé, notamment pour protéger les indications géographiques protégées européennes (IGP), à savoir les noms de produits du terroir (fromages, charcuteries). « J'ai encore du mal à croire à ce qu'on a obtenu », indique un négociateur sous couvert d'anonymat.
Les Européens ont obtenu une protection complète des noms de produits, comme le parmigiano reggiano, à une quinzaine d'exceptions près.
En échange, les Canadiens ont obtenu de nouveaux quotas d'importation de bœuf et de porc. Ces produits seront sans hormones, insiste-t-on à Bruxelles.
Le CETA, un modèle pour le TTIP
« L'accord est un modèle pour les négociations commerciales avec les Etats-Unis », estime M. De Gucht, qui passera bientôt le flambeau à la Suédoise Cecilia Malmström.
L'UE négocie à l'heure actuelle un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, connu sous l'acronyme TTIP, qui suscite aussi beaucoup de méfiance dans les pays européens, notamment en Allemagne. Le prochain cycle de négociations aura lieu à Washington du 29 septembre au 3 octobre.
La ratification de CETA va prendre encore de longs mois, voire plusieurs années, notamment si elle doit passer par l'approbation des 28 Parlements nationaux de l'UE.