Le Canada et l'Union européenne ont formellement conclu vendredi un accord de libre-échange, perçu par les dirigeants européens comme un « modèle » pour une entente semblable entre l'UE et les Etats-Unis.
Le texte de l'accord, qui fait environ 1.600 pages, a été publié vendredi en français et en anglais, donnant le coup d'envoi de son processus de ratification, malgré les réserves exprimées par certains des 28 membres de l'UE.
Le ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel, a demandé jeudi la renégociation d'un point important de l'accord, celui sur « la protection des investissements », estimant qu'il « n'est pas acceptable en l'état aux yeux de l'Allemagne ».
Ce mécanisme, qui prévoit notamment le recours à l'arbitrage international, pourrait permettre aux multinationales de contester en justice des politiques des gouvernements nationaux, comme cela se produit avec l'accord de libre-échange liant le Canada, les Etats-Unis et le Mexique (Alena).
Mais le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a mis en garde jeudi contre la tentation de renégocier certains pans de l'accord.
« Si nous rouvrons les négociations sur CETA, alors c'est la mort de l'accord », a-t-il dit en utilisant son abréviation en anglais au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.
« L'accord a été entièrement soutenu par tous les membres de l'Union européenne, y compris l'Allemagne », a noté vendredi le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lors d'une conférence de presse à Ottawa avec le président du Conseil européen Herman Van Rompuy et le Premier ministre canadien Stephen Harper.
Il serait « très étrange », a-t-il dit, que l'Allemagne tente de bloquer sa ratification, car « c'est le pays en Europe qui en tirera le plus profit » compte tenu de la taille de son économie et à titre de plus gros exportateur.
« Je crois que nous avons obtenu le meilleur accord possible et je n'ai aucun doute qu'il sera ratifié par tous les Etats membres », a-t-il ajouté.
Une fois traduit dans toutes les langues officielles de l'UE, l'accord sera ratifié l'an prochain et entrera en vigueur en 2016, a prédit M. Barroso.
Cinq ans de négociations
Fruit de près de cinq ans de négociations depuis 2009, l'accord prévoit l'élimination de la quasi-totalité des barrières tarifaires s'appliquant aux biens et services entre les deux zones, ainsi que l'harmonisation des normes et réglementations.
Les entreprises de l'UE auront désormais accès aux marchés publics de tous les niveaux de pouvoir au Canada, y compris ceux des villes et des provinces, un pactole estimé à plus de 150 milliards de dollars par année.
Les Européens ont aussi obtenu une protection complète des noms de produits du terroir, comme parmigiano reggiano, à une quinzaine d'exceptions près. En échange, les Canadiens ont obtenu de nouveaux quotas d'importation de bœuf et de porc.
Pour M. Harper, qui mise sur le bilan économique de son gouvernement pour assurer la réélection de son parti conservateur aux législatives de l'an prochain, cet accord « change la donne » dans les relations entre le Canada et l'UE.
« Le Canada est le premier pays du G7 avec lequel l'Union européenne conclut un accord commercial », a rappelé de son côté M. Barroso. « C'est probablement l'accord le plus avancé au monde aujourd'hui en matière d'intégration des marchés », a-t-il dit.
L'UE est le deuxième partenaire commercial du Canada, loin derrière les Etats-Unis, tandis que le Canada est le douzième partenaire de l'UE.
Le commerce bilatéral entre l'UE et le Canada, qui favorise l'Europe des 28, totalise plus de 60 milliards d'euros (85 milliards de dollars canadiens).
Les dirigeants des deux zones prévoient que l'accord va doper de 23 % leurs échanges commerciaux. « L'accord est un modèle pour les négociations commerciales avec les Etats-Unis », en cours avait estimé jeudi M. De Gucht.