Cuba, pays des fumeurs de havanes

Au chant du coq, la vallée de Viñales s'éveille à l'ombre des mogotes, ces mastodontes rocheux que l'érosion des siècles a laissés en sentinelles. A leurs pieds, une terre rouge cru qu'exalte le vert tendre des feuilles de tabac.

C'est là, au cœur de la province de Pinar del Río, que naissent les meilleurs des cigares, des Cohiba, Montecristo, Romeo y Julieta, du nom des romans qui étaient lus à haute voix pour rythmer le travail des torcedores, les rouleurs des manufactures, tradition toujours vivante.

La musique est omniprésente, forte, stimulante. Le répertoire est riche de chansons à la gloire des paysans, comme la célèbre Guajira Guantanamera, inspirée par un texte du poète-révolutionnaire José Marti.

Dans la cour de la ferme, moustache noire sous son chapeau blanc, le maître des lieux termine de couper les cheveux d'un vieux voisin. La volaille occupe le terrain. Mais l'élite de la basse-cour, les coqs de combat, est tenue à l'écart, dans des cages.

Leur propriétaire, Benito, cultive 10 ha de tabac. Sa production part à 90 % à la manufacture nationale. Avec les 10 % restants, il fabrique ses propres cigares, sa grande fierté.

Tout en roulant un magnifique barreau de chaise dans sa cape, il explique le cycle de la plante. Pour la récolte, famille et amis rappliquent, car la main-d'œuvre agricole a migré en ville. Au séchoir, les feuilles perdent lentement leurs couleurs, en exhalant un entêtant parfum de miel.

Au hasard des routes défoncées, quelques kiosques de coopératives vendent fruits et légumes. Il n'y a pas grand-chose. Des panneaux indiquent les fermes d'état, les laiteries... A voir ces attelages de bœufs et leur araire, le temps semble arrêté.

Sur l'autoroute à six voies, des tracteurs des années cinquante, un cavalier, une carriole... Sur les bas-côtés, des vendeurs de confiture de goyave et de fromage de buffle, un accord qui rappelle celui de notre brebis des Pyrénées avec la confiture de cerise noire.

En poussant la porte d'un paladar, cette maison d'hôtes de plus en plus répandue dans l'île, le charme cubain vous tient pour de bon : douceur, vitalité, conscience d'une vie âpre. La cuisine est délicieuse.

Le bleu gauloise des maisons de bois rappelle la mer, jamais très loin. Sur la terrasse couverte, deux rocking chairs. Un vieux se balance, dans les volutes bleues d'un havane. Des voix se mêlent aux guitares et à la flûte. Le soir tombe.

Mireille Pinault

(publié le 14 octobre 2011)