Publié le vendredi 15 janvier 2010 - 17h43
De nouvelles formes d’agriculture « fortement financiarisée » émergent dans un contexte spécifique à l’Argentine, indique une note de veille du centre d'études et de prospective du ministère de l'Agriculture français. Bien que la pérennité de ces systèmes soit incertaine, indique l'auteur de cette note, ce phénomène pourrait bien s'amplifier, tant ces modèles commencent à apparaître dans d’autres pays d’Amérique latine « sous l’impulsion d’investisseurs majoritairement argentins ».
Selon Marie-Aude Even, chargée de la mission relative aux agricultures du monde pour le Centre d’études et de prospective, « si ces formes (d'agriculture financiarisée) contribuent au boom agricole argentin, elles suscitent des réserves en termes d’impacts économique, social et environnemental ». Elle invite à considérer avec précaution « une conception purement financière de l’agriculture, qui nie son caractère multifonctionnel et son lien au territoire ».
Paradoxalement, cette financiarisation « remet en cause » l’agriculture familiale, « au moment même où plusieurs expertises internationales soulignent à l’inverse la multifonctionnalité et la contribution décisive de l’agriculture familiale à l’essor durable des pays en développement », souligne M.-A. Even.
Ce nouveau modèle de production, dont « l'émergence a été favorisée par différents facteurs plutôt spécifiques à l’Argentine » (concentration de la propriété foncière et vastes espaces favorables à l'intensification, faiblesse de l’agriculture familiale, aléas climatiques, absence de soutien et variabilité des revenus, instabilité politique...), s’organise autour de deux dispositifs emblématiques, explique la note : le fonds d’investissement agricole et le « pool de culture ».
Ce dernier associe temporairement le propriétaire de la terre, le prestataire de services agricoles, un cabinet de conseil et des investisseurs. Les pools concernent essentiellement les grandes cultures et notamment le soja.
Cette agriculture de pool a permis, « au moins dans un premier temps », une augmentation de la production, de certains emplois et des ressources fiscales, relève l'auteur. En 2002, la surface cultivée par des pools représentait 10 % des surfaces en grandes cultures, et à la même époque, la valeur des exportations a doublé.
Néanmoins, « cette forme d’agriculture bénéficie très peu aux territoires ruraux. Tournée vers l’exportation, elle contribue en outre à la fragilité de l’économie du pays par son poids et sa très forte spécialisation » orientée vers le soja, précise la note.
Et « l’absence de lien au territoire, elle contribue à déliter le tissu rural, les espaces de production devenant des endroits de passage où la population locale est témoin du phénomène mais n’y participe pas », renchérit l'auteur. Elle souligne également l’augmentation des loyers agricoles liée à la multiplication de ces « pools de culture » et leurs conséquences désastreuses sur l'emploi agricole.
Bien sûr, le développement de monocultures très intensives « font passer au second plan les objectifs de maîtrise des pollutions et de maintien de la fertilité des sols ».
La pérennité de cette nouvelle forme d’agriculture reste donc incertaine, conclue la note. « On observe d’ailleurs depuis le début de 2009 un certain retrait des investisseurs du secteur agricole ».
B.V.
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