Le Conseil d'Etat a condamné l'Etat à verser 3.000 euros d'indemnités à un travailleur saisonnier marocain ayant travaillé 28 ans dans la même ferme, et a ordonné à la préfecture des Bouches-du-Rhône de lui fournir une carte de séjour, a indiqué la Halde le mercredi 9 juin 2010.
Cet homme, qui travaillait dans la même exploitation agricole depuis 1982 avec des contrats Omi (Office des migrations internationales) systématiquement renouvelés, avait saisi la Haute-Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Celle-ci dénonce à travers ce cas un « usage abusif de statut de travailleur saisonnier » et précise dans son communiqué que cet homme va se voir remettre une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».
Le Conseil d'Etat justifie notamment sa décision par « l'ancienneté de la présence de l'intéressé en France dont il n'a jamais été éloigné plus de quatre mois », par le « caractère systématique de l'allongement de la durée de son séjour à huit mois » et le fait qu'il avait « ainsi fixé en France le centre de ses intérêts professionnels ».
La Halde indique qu'elle a été également saisie par le Codetras (Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l'agriculture) et par 18 autres saisonniers agricoles dans la même situation.
« Après enquête, la Halde a estimé que l'extension systématique des contrats Omi par l'Administration, au-delà de la durée légale de six mois constituait un détournement de procédure, dans l'objectif de pourvoir aux besoins permanents de travailleurs agricoles, avec une main-d'œuvre recrutée sous le statut de saisonnier. »
Initialement, les contrats Omi devaient permettre aux exploitants agricoles de faire face à des périodes d'intense activité comme la cueillette des fruits avec des saisonniers venus majoritairement du Maroc mais aussi de la Tunisie ou de la Pologne avant l'entrée de ce pays dans l'UE.
Au début de 2009, le collectif estimait qu'un bon millier des 4.000 ouvriers Omi employés en France n'avaient de saisonniers que le nom. « Certains ont travaillé chez le même exploitant pendant 30 ans, avec à chaque fois des contrats de huit mois », expliquait un membre du collectif, Denis Natanelic.
Mais cette régularité ne leur a ouvert aucun des droits acquis par n'importe quel salarié, dénonce le Codetras : « Pas d'évolution salariale, pas d'assurance maladie, pas d'allocations de chômage et pas de retraite non plus. »