Le Conseil de l'environnement est parvenu jeudi à un accord politique sur un projet de directive (modifiant la 2001/18/CE) qui laisse le champ libre aux producteurs de semences OGM dans les Etats disposés à les cultiver et espèrent avoir le soutien du nouveau Parlement européen pour un accord très attendu par les multinationales américaines.
Le compromis approuvé jeudi à Luxembourg par les ministres de l'Environnement de 26 des 28 Etats membres donne la possibilité aux Etats d'autoriser ou d'interdire la culture sur « tout ou partie de leur territoire ». Ce qui constitue pour le Conseil européen « une base juridique solide autorisant les Etats membres à restreindre ou à interdire » ces OGM.
L'accord politique doit être suivi de l'adoption formelle de la position du Conseil en première lecture. Au début de l'automne 2014, la présidence italienne devrait engager les négociations (en deuxième lecture) avec le Parlement européen nouvellement élu.
Le processus recommande désormais aux semenciers de limiter géographiquement leur demande d'autorisation pour la culture aux seuls pays qui le veulent. Le Mon810, seul OGM actuellement autorisé dans l'UE et qui attend le renouvellement de cette autorisation, est cultivé en Espagne, au Portugal, en Roumanie, en République tchèque et en Slovaquie. Mais huit pays – dont la France – ont pris des clauses de sauvegarde pour l'interdire sur leur territoire.
Si l'entreprise refuse de restreindre le champ de sa demande, les pays qui refusent de le cultiver seront habilités à l'interdire. Ils devront transmettre à la Commission les motivations de leur décision. Une liste non exhaustive de motifs a été élaborée et des combinaisons sont possibles (raisons environnementales, socio-économiques, affectations des sols et aménagement du territoire, objectifs de politique agricole...).
La liberté de choix rendue aux Etats a emporté leur décision de soutenir le compromis élaboré par la présidence grecque de l'UE. Si le nouveau Parlement l'avalise, « cela fera sauter un verrou qui paralyse le processus d'autorisation des OGM depuis quatre ans », a souligné jeudi Tonio Borg, le commissaire à la Santé responsable de ce dossier sensible.
Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, et Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, se félicitent de l'accord trouvé qu'ils qualifient « d'avancée importante ». « Cet accord est le fruit de plusieurs mois de débats au cours desquels la France a œuvré activement pour un plus grand pouvoir donné aux Etats en matière d'autorisation de mise en culture des OGM tout en améliorant la sécurité juridique des décisions des Etats, notamment lorsqu'ils souhaitent s'opposer à la mise en culture d'un OGM. La France avait déjà voté la loi du 2 juin 2014 interdisant la mise en culture de maïs OGM sur son territoire », précisent les ministres dans un communiqué commun.
Ce nouveau système « permet du sur-mesure », s'est félicitée de son côté la ministre néerlandaise, Wilma Mansveld, citée par l'AFP.
Mais tous les gouvernements ne partagent pas cet enthousiasme. La ministre de l'Environnement du Grand-Duché du Luxembourg, Carole Dieschbourg, a ainsi émis de sérieuses réserves sur la solution retenue en raison du « rôle important laissé aux entreprises de biotechnologies » et a dit redouter « une vague d'autorisations de cultures » dans l'UE.
Le représentant belge, Olivier Belle, s'est également abstenu sur ce compromis. La crainte des disséminations transfrontalières motive ces réserves. Ségolène Royal a souhaité que ce sujet soit abordé avec le Parlement européen.
Des doutes sont également émis sur la validité des motifs d'interdiction en cas de litige au sein de l'Union européenne et devant l'OMC.
Les défenseurs de l'environnement entendent batailler pour convaincre le nouveau Parlement européen de refuser le compromis. Mute Schimpf, de l'organisation des Amis de la Terre, a ainsi dénoncé le pouvoir inacceptable donné aux compagnies comme Monsanto sur toute décision d'interdire la culture de leurs produits. « Les gouvernements doivent avoir la possibilité de bannir des semences OGM sans avoir à demander la permission aux compagnies », a-t-elle soutenu dans un communiqué.
L'ancienne eurodéputée française Corine Lepage a pour sa part dénoncé « un accord au rabais » qui « ne comporte aucune base juridique solide pour réellement interdire les OGM et confère un pouvoir exorbitant aux compagnies dans le processus de décision ».
Si l'accord adopté jeudi par les gouvernements de l'UE est avalisé par les députés, il ouvrira les terres de l'Union européenne à la culture des OGM, une mesure attendue par les semenciers depuis quatorze ans.
Mais ces derniers sont loin d'être satisfaits. « Cette proposition permet à un pays de décider d'une interdiction pour n'importe quel motif », a déploré un de ses porte-parole, Brandon Mitchener. « Ce serait tragi-comique si cela n'adressait pas un signal aussi mauvais au reste du monde, à savoir que l'on peut sans difficulté ignorer la science et interdire des produits pour des raisons populistes », a-t-il argumenté.
Brandon Mitchener a confirmé que Monsanto ne comptait pas présenter de nouvelles demandes d'autorisation de culture dans l'UE et allait continuer ses investissements dans les biotechnologies dans d'autres régions que l'Europe.
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vendredi 13 juin 2014 - 16h25
En gros l'Europe ça sert à quoi, à part coûter une fortune, si elle prend des décisions et dit ensuite à chacun qu'il peut faire ce qu'il veut?