Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a annulé un vote prévu mercredi dans lequel les eurodéputés devaient fixer leurs exigences sur l'accord de libre-échange en négociation avec les Américains, mais qui risquait de buter sur des procédures d'arbitrage controversées.
« Le vote n'aura pas lieu », ont indiqué mardi à la presse les services du Parlement européen, expliquant que Martin Schulz avait informé les députés du renvoi du projet de résolution en commission. M. Schulz a ainsi fait usage d'une possibilité que lui donne le règlement quand un texte fait l'objet d'un nombre trop élevé d'amendements.
Les principaux groupes politiques avaient pourtant semblé trouver un compromis à la fin mai sur un certain nombre de « lignes rouges » que ne devaient pas franchir les négociateurs s'ils voulaient in fine obtenir leur aval, nécessaire pour un futur accord de libre-échange. Mais les socialistes ont déposé un amendement demandant d'exclure explicitement de cet accord commercial, connu sous l'acronyme de TTIP, tout mécanisme privé d'arbitrage des différends entre Etats et investisseurs privés. Ils en avaient fait une condition de leur soutien à la résolution qui devait être soumise au vote mercredi.
Certains craignent en effet que ce mécanisme ne permette à des multinationales de remettre en cause des politiques publiques des Etats devant des instances privées. Le PPE (droite) est d'accord pour exiger une réforme de cette procédure d'arbitrage, dite ISDS. Mais de nombreux députés conservateurs, agacés par la « nouvelle posture » des socialistes, n'étaient pas prêts à accepter leur amendement. Le vote de mercredi risquait donc de déboucher sur une impasse, sans résolution commune, alors même que les principaux partis du Parlement sont favorables au principe et à la nécessité d'un TTIP.
« Crapulerie politique »
« C'est panique au Parlement », a ironisé l'eurodéputé Vert français Yannick Jadot, qualifiant de « crapulerie politique » l'initiative de Martin Schulz, motivée selon lui par le fait qu'il ne pouvait « plus garantir à Juncker et à Angela Merkel un vote favorable » au TTIP de la part du Parlement.
Face à une contestation grandissante, la commissaire européenne, Cecilia Malmström, avait proposé des évolutions des procédures d'arbitrage, en allant notamment vers la création d'un tribunal international permanent pour remplacer le mécanisme bilatéral jusqu'ici évoqué. « Les tribunaux d'arbitrage privés sont morts mais cela doit être dit clairement », avait fait valoir mardi le député allemand Bernd Lange pour justifier l'amendement socialiste. « Une modification de l'ISDS est nécessaire à nos yeux », avait estimé de son côté le chef de file des députés du PPE, Manfred Weber, tout en assurant que les propositions de Mme Malmström « reçoivent l'adhésion du PPE ». Les Verts avaient en revanche rejeté la proposition émanant de l'exécutif européen. « On ne tue pas du tout l'ISDS, c'est simplement une resucée à la sauce Malmström », avait fustigé leur co-président, Philippe Lamberts, qui avait accusé les socialistes d'afficher une fermeté de façade après des mobilisations citoyennes contre le TTIP.
Sur d'autres questions, les groupes politiques ont affiché leur volonté commune de ne pas accepter de revoir à la baisse les normes sanitaires ou environnementales européennes dans le cadre du TTIP.
Le Parlement ne participe pas aux négociations en cours depuis 2013 avec les Etats-Unis mais il aura le pouvoir in fine de rejeter l'accord, comme il ne s'était pas privé de le faire en 2012 avec l'Acta, un précédent accord commercial.