« Depuis quelques mois, nous observons l'apparition de cas d'influenza aviaire associés à des virus très proches entre eux et de celui identifié en début d'année en Corée, a expliqué Jean-Luc Guérin, enseignant-chercheur à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse. Ce virus a aussi été retrouvé chez quelques oiseaux sauvages en Europe. » Ce vendredi 5 décembre, trois experts de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) répondaient aux questions de la presse sur le virus H5N8 détecté en Allemagne, aux Pays-Bas et en Angleterre depuis novembre 2014.
Les études génétiques montrent que ce virus est en partie issu d'une souche qui a circulé en Chine en 2010. Les connaissances sur sa pathogénicité sont encore partielles. Les premières études réalisées à partir de l'épisode coréen semblent indiquer que ce virus est moins virulent que le H5N1. « Il semble aussi un peu plus difficile à détecter car il tue moins, poursuit Jean-Luc Guérin. Aucun cas humain n'a été décrit en Corée malgré une circulation intense du virus. C'est un élément rassurant et important pour l'évaluation de risques. »
Concernant l'arrivée de cette souche H5N8 en Europe, « l'hypothèse des oiseaux migratoires est plausible, estime Bernard Delmas, qui dirige l'unité de virologie et d'immunologie moléculaires à l'Inra. Ce voyage a probablement eu lieu par étape. « De proche en proche, illustre Thierry Pineau, qui anime le département de la santé animale de l'Inra. Il va maintenant falloir reconstituer son parcours, mais cela ne sera pas simple. » L'hypothèse du transport par portage passif n'est pas non plus à éliminer.
6 % de mortalité en Allemagne et aux Pays-Bas
Le virus a aussi été détecté en Europe sur des oiseaux sauvages. Sa singularité est que son spectre d'hôtes est large. « Les oiseaux aquatiques sont naturellement plus résistants, décrit Jean-Luc Guérin. Cela va du portage sain à des signes assez souvent frustres. Chez le poulet et la dinde, il y a de la mortalité. » Pour l'instant, les données disponibles ne permettent pas de calculer la prévalence de la maladie dans la faune sauvage.
Jeudi, l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) a signalé un foyer d'Influenza hautement pathogène de type H5 dans un élevage de dindes au Canada. « Le taux de mortalité annoncé est de 60 %, constate Thierry Pineau. C'est beaucoup plus élevé que celui qui est observé en Europe. En Allemagne ou aux Pays-Bas, on parle de 6 %. Pour le moment, les mesures génériques et de bons sens [pour protéger les élevages d'une contamination, ndlr] suffisent. La situation actuelle n'appelle pas de mesures exceptionnelles. »