Le gouvernement, face à la levée de boucliers suscitée par les projets d'exploration de gaz et de pétrole de schiste, a ouvert la voie à une interdiction de ces hydrocarbures non-conventionnels en décidant l'examen en urgence d'une proposition de loi au début de mai à l'Assemblée.
« Ce qui est en train de se passer est positif dans la mesure où ces projets, mis en place par M. Borloo (alors ministre de l'Ecologie) sans débat, sont aujourd'hui rejetés par l'ensemble des parlementaires », a déclaré José Bové, qui mène en France la lutte contre les gaz et le pétrole (huile) de schiste.
A quelques jours d'une « journée nationale de mobilisation » organisée dimanche par les opposants, le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a annoncé l'examen le 10 mai, en procédure d'urgence, de la proposition de loi de Christian Jacob (UMP). Celle-ci vise à interdire l'exploration et l'exploitation de ces hydrocarbures non-conventionnels.
En vertu de la procédure d'urgence, décidée par le gouvernement, qui limite l'examen parlementaire à une seule lecture par l'Assemblée et le Sénat, une interdiction devrait être votée avant la fin de juin.
La proposition de M. Jacob prévoit l'abrogation des permis d'exploration pour le gaz et l'huile de schiste ainsi que l'interdiction de leur exploitation par fracturation hydraulique, une technique contestée par les écologistes.
Les opposants estiment notamment que cette technique, impliquant l'injection sous pression dans le sous-sol de grandes quantités d'eau et de produits chimiques pour fracturer les roches qui contiennent le gaz ou l'huile, peut entraîner la contamination des nappes phréatiques.
Deux autres propositions de loi analogues, une socialiste et une de Jean-Louis Borloo (Parti radical), sont déposées à l'Assemblée.
M. Accoyer a précisé mardi avoir demandé « au gouvernement, au président de la commission, aux deux présidents des groupes concernés d'essayer de trouver une solution de discussion commune ».
France Nature Environnement (FNE), qui fédére 3.000 associations, a salué « une victoire de la mobilisation citoyenne », se félicitant « que les parlementaires, toutes tendances confondues, ainsi que le gouvernement aient entendu la voix des Français et la puissante contestation ».
« C'est une étape importante. La seconde étape qui devra suivre sera une réforme du code minier. Il est désormais évident que le code minier est caduc par rapport aux questions environnementales », a pour sa part souligné M. Bové.
La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciuko-Morizet, avait rappelé vendredi sa « grande réserve » sur les projets d'exploration de gaz et d'huile de schiste.
« Sur la base de ce qui se passe aux Etats-Unis, l'exploitation telle qu'elle est proposée n'est pas possible », avait-elle dit sur France Inter.
Mais elle avait aussi pointé le « risque juridique », en cas d'interdiction, « d'avoir à indemniser » les industriels qui ont obtenu les permis d'exploration.
Des permis d'exploration ont été accordés pour le gaz de schiste au printemps de 2010 dans le sud de la France et pour l'huile de schiste en 2008 et 2009 dans le Bassin parisien.
A la suite de la forte mobilisation, les travaux sont suspendus pour le gaz de schiste dans l'attente des conclusions d'une mission d'évaluation sur les enjeux environnementaux prévues à la fin de mai.
Pour l'huile de schiste, seuls des forages conventionnels sont autorisés à partir du 15 avril, date à laquelle doit être remis le rapport d'étape de cette mission, mais sans recours à la fracturation hydraulique.