Pour la première fois depuis quinze ans, la faim dans le monde a reculé à 925 millions de personnes sous-alimentées, un chiffre « inacceptable » dont « il n'y a vraiment pas lieu de se réjouir », a souligné mardi à Rome le directeur général de la FAO, Jacques Diouf.
« Toutes les six secondes, un enfant meurt à cause de problèmes liés à la malnutrition. La faim reste la plus grande tragédie et le plus grand scandale au monde », a souligné devant la presse le dirigeant de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
Même si le nombre d'affamés repasse sous le seuil symbolique du milliard, dépassé en 2009 (1.023 millions, soit une baisse de 9,6 %), la FAO se refuse à tout triomphalisme.
« Une personne sur six se réveille sans avoir de quoi manger », a rappelé Josette Sheeran, directrice générale du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.
Pour la FAO et le PAM, la baisse enregistrée découle avant tout d'une conjoncture économique plus favorable en 2010, notamment dans les pays en développement, et de la baisse des prix alimentaires à l'échelle mondiale.
Mais, alors que ce chiffre n'inclut pas les très probables nouveaux sous-alimentés liés aux inondations massives au Pakistan, « il ne faut surtout pas relâcher nos efforts », a estimé Josette Sheeran.
Le premier objectif du Millénaire pour le développement adopté en 2000 prévoyait de passer de 20 % à 10 % de sous-alimentés dans le monde d'ici à 2015, et « nous n'en sommes qu'à 16 % », a renchéri M. Diouf, pour qui « cet objectif s'annonce très difficile à atteindre ».
Pour le directeur général de la FAO, « il est temps de s'attaquer aux vraies causes de la faim dans le monde », notamment avec « des investissements accrus dans l'agriculture », des « filets de sécurité » (réserves en cas de pénurie) et des programmes d'aide sociale.
Faute de quoi, « nous sommes condamnés à toujours devoir nous contenter de gérer de nouvelles situations de crise », a plaidé M. Diouf, rappelant des « expériences réussies dans certains pays, comme le Congo ou le Viêt-nam », qu'il faut « encourager et étendre ».
Les premières réactions des ONG ont fait écho aux conclusions de la FAO. Pour Oxfam, ce recul de la faim est dû à « la chance ». « Il est pourtant possible (de réduire de moitié la sous-alimentation dans le monde d'ici à 2015), seule manque la volonté politique. »
ActionAid rappelle de son côté que « la sous-alimentation continue de coûter 450 milliards de dollars (350 milliards d'euros) par an aux pays pauvres. Les gouvernements devraient se souvenir qu'il est dix fois plus coûteux d'ignorer la faim que de la combattre. »
La baisse du nombre d'affamés s'est ressentie dans toutes les régions du monde. L'Asie-Pacifique est la plus massivement touchée, avec 578 millions de personnes affamées, mais c'est aussi celle où la faim a le plus reculé, avec une baisse de 12 % par rapport à 2009.
La proportion d'affamés reste la plus forte en Afrique subsaharienne (30 %) et les deux tiers des 925 millions de personnes sous-alimentées se retrouvent dans seulement sept pays : Bangladesh, Chine, République démocratique du Congo, Ethiopie, Inde, Indonésie et Pakistan.