Parce qu'elle accueillera à la fin de 2015 le sommet sur le climat, au cours duquel un accord mondial doit être trouvé pour limiter le réchauffement de la planète et ses effets associés, la France veut être exemplaire dans la lutte contre le changement climatique. Et mettre tous les secteurs économiques à contribution.
Au niveau mondial, les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES) sont la Chine et les Etats-Unis, avec 42 % des émissions à eux deux en 2012. La France, quant à elle, n'en émet que 1 % – ce qui est moins dû à une supposée sobriété qu'à son mix énergétique (avec notamment la prépondérance du nucléaire).
La France est-elle exemplaire ?
Avant de distribuer un bon point à la France, Jérôme Boutang, directeur du Citepa (Centre interprofessionnel d'étude de la pollution atmosphérique), rappelle la nécessité de prendre en compte le contexte économique et démographique des pays comparés.
• Sur les émissions de carbone
Rapportées à son PIB, les émissions de la France sont assez faibles : 0,2 kg de CO2/US$ en 2010. C'est l'Afrique, pourtant à l'origine d'une faible proportion des GES mondiaux, qui apparaît sur ce critère comme la plus mauvaise élève avec 2,5 kg CO2/US$. En revanche, en matière d'émissions par habitant, la France se situe au même niveau que la Chine... laquelle est, rappelons-le, le premier émetteur mondial de GES (en valeur absolue).
• Sur les émissions de N2O
La France apparaît moins vertueuse : quatrième émetteur mondial derrière l'Australie, le Brésil et les Etats-Unis, avec 935 kg d'équivalent CO2 par habitant. Le N2O étant principalement issu de sources agricoles, il n'est pas étonnant de retrouver en tête de peloton les grandes puissances agricoles.
• Sur les efforts réalisés
La France a diminué ses émissions de 13 % en 2013 par rapport à 1990. Rapportée au PIB, cette baisse atteint 56 %. Soyons honnête : cette baisse est davantage due à une désindustrialisation de la France qu'à des efforts couronnés de succès des différents secteurs économiques...
Quid du secteur agricole ?
L'agriculture et la sylviculture comptent ensemble pour 21 % du pouvoir de réchauffement global de la France en 2012. Depuis 1990, le secteur a fait des efforts notables : -10 Mt CO2eq, soit -9 %. Moins bon que le secteur de l'énergie (-28 %) ou l'industrie manufacturière (-38 %), mais meilleur que les transports, qui ont vu leurs émissions augmenter de 11 %.
Comment interpréter ces chiffres ?
Avec prudence ! Car, comme le rappelait Eric Giry, du ministère de l'Agriculture, lors d'un colloque organisé par l'APCA (Assemblée permanente des chambres d'agriculture) le 19 novembre 2014, les efforts réalisés par le secteur agricole sont parfois mis au crédit d'autres secteurs, en amont ou en aval de la production : industrie, transports, etc. Le potentiel d'atténuation du secteur agricole a été évalué à 33 Mt de GES, « mais seules 9 Mt seraient effectivement comptabilisées pour le secteur agricole », expliquait-il. « Faire reconnaître l'ensemble des efforts réalisés par le secteur agricole représente donc un vrai enjeu ! »
Quelle transition pour le secteur agricole ?
Le projet de loi pour la transition énergétique, actuellement en examen en commission au Sénat, fixe des objectifs nationaux, s'inscrivant dans le cadre d'accords conclus aux niveaux européen et international. Baisse d'émissions de GES (-40 % en 2030), baisse de consommation d'énergies (-20 %), développement des renouvelables (un tiers de l'énergie consommée en 2030) : il reste à fixer une trajectoire pour atteindre ces objectifs. Selon les projections de l'Ademe, le secteur agricole pourrait y contribuer, sans entraîner de baisse du solde exportateur de la France. Les clés du succès ? Manger différemment (notamment moins de viande dans l'assiette des Français) et produire autrement : l'agriculture conventionnelle ne représenterait plus que 10 % en 2050, contre 30 % pour le bio et 60 % pour la production « intégrée ».
Avec quels outils ?
Pour ce qui est de la trajectoire jusqu'en 2050, c'est la « stratégie bas carbone », prévue par le projet de loi sur la transition énergétique, qui fixera les paliers. Il reste à savoir comment se répartira l'effort entre les différents secteurs, les différents territoires et les différents gaz (l'agriculture étant principalement concernée par le CH4 (méthane) et le N20). Du côté des outils, le projet de loi ne fera pas tout : la Pac (avec le verdissement, les bonnes conditions agroenvironnementales et les mesures du deuxième pilier), la loi d'avenir sur l'agriculture, et les politiques territoriales intègrent déjà des mesures ayant un impact plus ou moins direct sur l'énergie et le climat.