« La Pac cumule les absurdités. » Il n'en fallait pas plus pour emporter l'adhésion et mobiliser l'attention jusqu'au bout de la journée des quelque 350 participants au congrès de la Confédération paysanne, à Ispoure, au Pays basque, le 23 avril 2015.
Jean-Christophe Kroll, agroéconomiste, professeur émérite, a donné des arguments aux militants pour défendre leur conception de l'agriculture paysanne. « La durabilité, c'est gentil, mais l'économie ? Il faut sortir de cette dichotomie, a-t-il affirmé. Opposition encore relevée le matin même par le ministre de l'Agriculture. Pour l'économiste, « l'agriculture paysanne n'est pas seulement sociale, mais économiquement compétitive. Cette dichotomie débouche sur une conception schizophrène de la Pac, construite sur deux piliers. Résultat, on passe son temps à essayer de corriger dans le deuxième les dégâts du premier ». Par exemple, on demande dans le premier à être spécialisé pour être compétitif, et, dans le deuxième, on propose des aides à la diversification, a-t-il relevé.
« Le découplage des aides a été une erreur »
Pour l'économiste, l'agriculture industrielle, présentée par certains comme un modèle, n'est pas compétitive. « On nous martèle que les grandes exploitations ont un revenu par actif supérieur aux moyennes et petites. Mais si l'on retire les aides publiques directes, elles dégagent des revenus pas supérieurs, voire inférieurs. » Ce serait ainsi uniquement leur capacité à glaner plus d'aides publiques qui rendraient les grandes exploitations apparemment plus performantes. « Donc, l'agriculture paysanne est aussi économiquement viable », a-t-il lancé à une assistance acquise à la cause paysanne.
« Avec cette vision absurde de la compétitivité, la Pac cumule les absurdités. La première, c'est le découplage ». Sur ce point, il partage la conviction de Stéphane Le Foll : le découplage des aides a été une erreur. Si les Etats-Unis ne sont pas un exemple en tout, il a quand même rappelé qu'ils avaient remplacé leurs aides découplées par les aides contracycliques dès 2002, au moment même où l'Europe s'emparait du concept. « Cela a été un gaspillage colossal. On en sort petit à petit, mais on a encore beaucoup de chemin pour corriger cette absurdité. » 85 % des aides sont encore découplées, et si un peu de dégressivité a été introduite, elles ne sont pas encore plafonnées. Or, pour l'économiste, il va sans dire que l'un ne va pas sans l'autre.
« Plus on pollue, plus on touche d'aide à l'hectare »
« L'élève Le Foll est meilleur que le cancre Le Maire, mais les aides continuent d'augmenter avec la dimension économique, a-t-il regretté. On continue à assister à l'agrandissement et à la suppression d'emplois. L'agriculture est le seul secteur où l'on utilise l'argent public pour supprimer l'emploi ! » Pour lui, le fond du problème, c'est le « calcul économique ». « On regarde les coûts directs réels, mais il faut rajouter le coût des aides publiques et fiscales, mais aussi les coûts indirects (le coût du chômage, de la santé) et les coûts patrimoniaux, même s'ils sont plus difficiles à évaluer (environnementaux, sociaux, culturels).
A l'appui de sa thèse, il a aussi cité le travail d'une de ses étudiantes, non encore totalement abouti, selon lequel « plus on pollue, plus on touche d'aide à l'hectare ». La dernière réforme réduit l'écart entre les aides données aux meilleurs et aux moins bons. Mais la tendance est encore loin de s'inverser. « Nous avons beaucoup de chemin à parcourir pour avoir une écoconditionnalité sérieuse. Le verdissement, on le sait, ne sert à rien. Le cocorico de Stéphane Le Foll est abusif. »
« Etre pédagogue par rapport aux voisins agriculteurs »
Le plus absurde, pour Laurent Pinatel, le porte-parole de la Confédération paysanne, c'est de voir disparaître toujours plus d'agriculteurs sans rien faire. Il n'a cessé de le marteler : « On ne peut pas s'y habituer. [...] Personne n'en parle. A combien va-t-on s'arrêter ? Mangez-vous les uns les autres. C'est le message que les politiques nous envoient », a constaté le syndicaliste.
En conclusion du congrès, il a appelé les paysans « à entrer en résistance ». « Notre travail de sape et d'érosion finira par payer. » Il a aussi appelé à « être pédagogue par rapport aux voisins agriculteurs ». « Il faut éclairer nos luttes, parler d'agriculture d'avenir. Nous avons des solutions que les agriculteurs attendent... même s'ils ne le savent pas. »
aides PAC
vendredi 24 avril 2015 - 22h45
c'est vrai les subventions représentent bien plus que le revenu des grosses exploitations mais elles font vivre bien plus de salariés de l'aval par leur volume brut important et non transformé contrairement aux petites exploitations . En fait ces aides sont redistribuées et font fonctionner l'économie générale .