« L'Irstea (1) travaille depuis longtemps sur la biodiversité, mais l'approche reliant biodiversité et activités humaines est plus récente », a indiqué Jean-Marc Bournigal pour introduire la présentation des résultats de recherche de l'institut qu'il préside, lors d'une conférence de presse à Paris mercredi.
Cette notion d'interactions – pour le meilleur et pour le pire – entre biodiversité et activités humaines monte en puissance dans l'approche scientifique de l'environnement, et émerge dans les politiques publiques. C'est ainsi que le projet de loi sur la biodiversité fait état, pour la première fois, des services rendus à l'homme par les écosystèmes. « Il faut faire attention à avoir une approche multi-services », insiste Philippe Roche, écologue, prenant l'exemple d'une forêt qui ne sert pas qu'à produire du bois, ou qu'au loisir, ou qu'au stockage du carbone, mais un peu tout à la fois. « Notre travail à l'Irstea vise à essayer de concilier les différentes fonctionnalités des milieux naturels. »
Sur le volet forestier, les chercheurs ont notamment mis en évidence une relation positive entre biodiversité élevée et productivité des forêts. Mais aussi entre présence de bois morts à divers stades (rameaux, troncs, souches...) et biodiversité, alors qu'ils sont parfois considérés par les forestiers comme des vecteurs de maladies. Enfin, le fait de laisser des îlots de vieillissement dans les forêts permet d'accroître nettement la biodiversité, alors que le niveau d'intensification, dès lors que l'îlot est exploité, n'a que peu d'influence sur le niveau de biodiversité.
Sur le volet agricole, un collectif de recherche s'est penché sur les MAE territorialisées, et plus particulièrement sur la MAE « prairies fleuries » qui présente la singularité d'être « à obligation de résultats » et non « à obligation de moyen ». « On a vu que la MAE n'induit pas vraiment de changement de pratiques, mais permet de maintenir les bonnes pratiques dans le temps en valorisant le savoir-faire des agriculteurs qui restent maîtres de leurs choix », a présenté Nathalie Bertrand, économiste.
Si la notion de services rendus par la nature évoque immanquablement un aspect monétaire, le paiement pour services rendus à la nature reste en retrait en France. Au delà de la question du « consentement à payer » de la part du citoyen, « il y a des réticences sur le plan éthique par rapport à l'idée de marchandisation de la nature, a expliqué Nathalie Bertrand. D'autre part, il est difficile d'évaluer le prix implicite des comportements. Enfin, cela repose sur le choix des consommateurs. » Toutefois, les MAE sont déjà une sorte de paiements pour services environnementaux, a estimé la chercheuse.
« On est face à un vrai choix idéologique : il faut oser aller vers des paiements privés pour les services environnementaux », est intervenue Carole Zakine, juriste au sein du think-tank Saf Agr'idées, qui a indiqué que sa structure travaillait sur le sujet. « Mais pour mettre ces paiements en place, il faut pouvoir décrire ces services, les évaluer et les pondérer », a conclu Jean-Marc Bournigal.
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(1) Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture.