Pour la première fois, une conférence internationale se réunit à Ede, aux Pays-Bas, en partenariat avec l'ONU, sur la promesse « Des insectes pour nourrir l'humanité ».
Pour le professeur Arnold Van Huis, entomologiste néerlandais de l'Institut de Wageningen (proche de Ede), organisateur de ces quatre jours de travaux inédits, la farine d'insectes n'est pas un fantasme ni une curiosité exotique mais une source majeure de protéines qui pourra avantageusement alimenter les élevages de poulets, de porcs et de poissons. Aussi se réjouit-il d'accueillir jusqu'à samedi plus de 450 chercheurs, universitaires, entrepreneurs privés, délégués d'organisations internationales et de gouvernements de plus de 45 pays, des Etats-Unis à la Chine ou l'Afrique du Sud, avec l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) qui a officiellement recommandé la consommation d'insectes dans un rapport en mai 2013.
« Les insectes représentent une opportunité énorme et un gigantesque marché », juge le Pr Van Huis joint mardi par l'AFP. « La conférence va s'intéresser aussi bien à l'alimentation humaine qu'animale », précise-t-il, en admettant que beaucoup reste à faire pour autoriser la production à grande échelle et le commerce des insectes. « Il y a environ 2.000 espèces d'insectes qui peuvent être consommées mais on a parfois des règles démentes. Ces obstacles doivent être résolus », juge-t-il.
La conférence, qui attire des entreprises privées de tous les continents, doit y réfléchir. L'Union européenne sera bien sûr représentée mais c'est un responsable de l'Institut national de l'alimentation au ministère américain de l'Agriculture (USDA) qui devait ouvrir les travaux mercredi.
Pour l'élevage d'abord
Wageningen, prestigieux et puissant institut de recherches agronomiques, est à la pointe du combat pour les insectes – certains parlent même de « lobby ». Mais si le Pr Van Huis consomme « régulièrement » des insectes, confie-t-il, c'est surtout sous forme de farines pour l'élevage et l'aquaculture qu'il voit leur avenir. « Ça va déjà très vite. Pour la consommation humaine, ça prendra peut-être 5 à 10 ans, mais c'est exponentiel », assure-t-il. Dans les fermes déjà existantes, précise-t-il, une tonne de farines à base de mouches « black soldiers » coûte 1.000 dollars, contre 13.000 dollars la tonne de farine de poissons.
Joint à son tour, Paul Vantomne, responsable du programme sur les insectes à la FAO, renchérit : plutôt que de donner des céréales et du soja aux animaux qui rentrent en compétition avec les humains sur ces cultures, mieux vaut leur donner des mouches. « Dans 30 ans, nous serons 9 milliards d'humains. Et la consommation de viande augmente », indique-t-il. Pour nourrir ses élevages, la Chine est devenue le premier importateur de soja. Or trois pays seulement assurent 90 % des exportations mondiales (Etats-Unis, Argentine, Brésil). Il est urgent de diversifier ! Même pour le pétrole on a davantage de sources d'approvisionnement », remarque-t-il. Quant aux 12 millions de tonnes de poissons ponctionnées chaque année dans les océans pour nourrir les élevages, ce n'est déjà plus tenable, ajoute-t-il encore.
De plus, « les insectes peuvent aussi nous débarrasser de nos rejets organiques : le lisier des cochons ou les salades périmées des supermarchés pourront servir de substrat pour élever des insectes qui vont recycler les éléments nutritifs pour fabriquer des protéines ». Une économie circulaire bonne pour la planète et bonne pour le consommateur : « Après tout, les poules et les poissons mangent déjà des insectes dans la nature ».
Pour Paul Vantomme, enthousiaste à la veille de la conférence d'Ede, « les insectes, c'est un message d'espoir » face au dérèglement climatique et à l'insécurité alimentaire. D'ailleurs, note-t-il, les grandes entreprises ne s'y trompent pas qui affluent vers Ede : « Elles vont se diversifier parce qu'elles veulent gagner de l'argent », remarque-t-il.
A ceux qui auront fait le déplacement, le Pr Van Huis fait miroiter une dégustation organisée par le « Food Lab » associé au Noma, le restaurant de Copenhague qui vient pour la 4e fois d'être sacré « le meilleur du monde » et propose au menu un tartare de bœuf aux fourmis. Aujourd'hui Noma, demain dans les fast-food, jure-t-il.