Les subventions allouées aux entreprises du secteur agroalimentaire manquent d'efficacité et ratent souvent leur objectif d'améliorer la compétitivité de l'agriculture européenne, a estimé la Cour des comptes européenne dans un rapport publié le 10 avril 2013.
« Pratiquement 20 % du budget de l'UE affecté au renforcement de la compétitivité de l'agriculture » dans le cadre de la politique de développement rural de l'Union européenne via la Pac « sont versés aux entreprises du secteur agroalimentaire », rapporte un communiqué de la Cour des comptes de l'UE. « Mais les mécanismes de suivi et d'évaluation ne permettent pas de collecter des informations concernant la valeur ajoutée atteinte ou les effets indirects sur la compétitivité de l'agriculture », constate-t-elle à la suite d'un audit qu'elle a réalisé sur vingt-quatre projets de six programmes de développement rural nationaux et régionaux, sélectionnés principalement en fonction de leur taille : Espagne (Castille-et-León), France, Italie (Latium), Lituanie, Pologne et Roumanie.
Selon la Cour des comptes, « les mécanismes actuels ne semblent pouvoir ni fournir les informations nécessaires pour établir si les fonds alloués ont été utilisés avec succès, ni rendre l'utilisation de ceux-ci plus efficace et plus efficiente pour la période 2014-2020 ».
Dans le cadre de la Pac, des subventions sont allouées aux entreprises de transformation et de commercialisation des produits agricoles au titre d'une mesure intitulée « accroissement de la valeur ajoutée des produits agricoles et sylvicoles », qui vise à améliorer la compétitivité de l'agriculture et de la sylviculture, rappelle le communiqué. Pour la période 2007-2013, le budget de l'UE affecté à cette aide représente 5,6 milliards d'euros. A ces crédits s'ajoutent des fonds nationaux, ce qui porte le financement public à un montant total de 9 milliards d'euros, précise la Cour des comptes.
« Les États membres sont tenus d'élaborer des programmes de développement rural qui permettent d'adapter l'aide à leurs besoins au moyen d'objectifs nationaux ou régionaux et qui déterminent le champ d'application de la mesure afin de garantir une utilisation efficiente des fonds disponibles », détaille la Cour des comptes. Selon son audit, « seuls des objectifs généraux avaient été fixés, qui n'indiquaient pas comment le financement était censé permettre un accroissement de la valeur ajoutée des produits agricoles ou renforcer la compétitivité de l'agriculture ».
La Cour a constaté que les États membres n'orientent pas les financements vers les projets pour lesquels la nécessité d'une aide publique est avérée. De ce fait, la mesure se transforme en « subvention générale aux entreprises qui investissent dans le secteur agroalimentaire, avec les risques associés de distorsion de concurrence et de gaspillage de fonds publics devenus rares ».
« Malgré ce manque de ciblage, la Commission a approuvé les programmes », remarque la Cour des comptes.
« Les États membres ne déterminent pas précisément les besoins de financement ni ne fixent des objectifs pertinents », a déclaré le membre de la Cour responsable du rapport, Jan Kinšt (CZ). Selon lui « la Commission ne devrait approuver les programmes que si cela a été fait, sinon cette mesure risque de se transformer en une simple aide aux entreprises agroalimentaires ».
La Cour a constaté que les projets ont « principalement permis d'améliorer la performance financière des entreprises concernées » et qu'un certain nombre de projets contrôlés « apporteront peut-être une certaine valeur ajoutée ».
« Toutefois, cela n'est pas dû à la manière dont la mesure est conçue ou aux procédures de sélection appliquées par les États membres, précise la Cour des comptes. Il manquait des éléments probants pour attester que les entreprises bénéficiaires de subventions en avaient réellement besoin ou pour mettre en évidence les objectifs spécifiques de la politique que l'aide était censée permettre d'atteindre ».
La Cour a estimé, en conclusion, que l'aide n'avait pas été systématiquement orientée vers des projets qui apportaient de manière efficace et efficiente une valeur ajoutée aux produits agricoles.
Elle formule ainsi quatre recommandations :
1. Les programmes des États membres devraient déterminer plus précisément les besoins de financement et fixer des objectifs pertinents et mesurables ; la Commission ne devrait les approuver qu'à cette condition ;
2. Il conviendrait de définir des critères de sélection permettant de recenser les projets potentiellement les plus efficaces. Afin de garantir que les fonds de l'UE soient utilisés de manière efficace, ces critères devraient être appliqués rigoureusement, même si le budget disponible est suffisant pour accorder une aide à l'ensemble des projets éligibles ;
3. La Commission et les États membres devraient encourager l'adoption de meilleures pratiques en ce qui concerne l'atténuation des risques d'effet d'aubaine et d'effet de déplacement ;
4. Le cadre de suivi et d'évaluation applicable aux projets financés devrait être renforcé pour la prochaine période de programmation afin de pouvoir mesurer correctement l'efficacité avec laquelle les fonds ont été dépensés.
Téléchargez le rapport de la Cour de comptes européenne :
- L'aide de l'UE à l'industrie agroalimentaire a-t-elle permis de manière efficace et efficiente d'accroître la valeur ajoutée des produits agricoles ? (Rapport spécial n° 1, 2013)