Après le temps légitime de l’émotion et de la compassion qui a suivi le passage de la tempête Xynthia doit aussi s’ouvrir celui du questionnement et des enseignements. Comme le montre notre enquête sur place (voir pages 12 à 14), le ressentiment est particulièrement vif chez les agriculteurs à propos de la gestion des digues et plus largement de la politique menée sur ces terres de marais. En clair, à force de faire primer la logique environnementale sur tout, la protection des biens et des personnes a fini par passer aux oubliettes. Avec le désastre que l’on connaît et qui déborde de la simple problématique agricole. Des vies ont été perdues et l’urbanisation inconsidérée n’explique pas tout. Les témoignages abondent pour dénoncer des situations ubuesques : interdiction de broyage des digues aboutissant à favoriser une végétation inappropriée de ciguës et de ravenelles (fragilisation de l’édifice par leurs racines pivotantes), emploi de matériau d’enrochement calcaire - inadapté pour les digues - parce que les associations écologistes trouvaient que cela faisait couleur locale…
Agriculteur et président des syndicats de marais du marais poitevin, Pascal Jacquet ne décolère pas contre cette politique jusqu’au-boutiste, faite d’interdits en tout genre, qui a conduit à ôter toute marge de manœuvre aux gens de terrain pour le pseudo-profit d’une nature idéalisée et sanctuarisée. « Nous sommes méprisés et pas écoutés » regrette-t-il. Chargée de mission pour le syndicat, Anne Boutella explique que toute velléité d’intervention sur une digue, et plus globalement tout travail d’entretien, est devenue un véritable parcours du combattant administratif. Qui se solde généralement par un « non ». Quand on ajoute la lourdeur administrative au coût financier, comment s’étonner que les digues ne soient plus entretenues ? Sur le terrain, deux organismes publics
et une association (la Diren, le Conservatoire du littoral et la LPO) sont clairement montrés du doigt pour leur dogmatisme. Dans ces conditions, une certaine méfiance règne à propos du plan digues annoncé et surtout de son pilotage.
En attendant, il y a urgence économique car certains sinistrés sont proches de l’arrêt. Il faudra des mesures exceptionnelles. Sans quoi, nul doute que le Conservatoire du littoral se fera un plaisir de racheter ces fermes à l’agonie…
par Philippe Pavard (publié le 12 mars 2010)
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