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Article 5 :

Main-d’œuvre : des exonérations de charges sociales sélectives

La politique française d’allègement du coût du travail cible les saisonniers mais oublie les emplois permanents.

En pleine crise économique, les agriculteurs français pointent du doigt le poids des charges patronales. «Les coûts de main-d’œuvre traduisent à la fois le standard de vie d’une population, le niveau de la protection sociale et l’état de la productivité du travail, explique dans un rapport (1) Jacques Le Guen, député du Finistère. Il n’est pas étonnant de constater un niveau élevé du coût du travail en Europe de l’Ouest!»

La France se situe dans le haut de la fourchette européenne des coûts de main-d’œuvre. Le poids des coûts salariaux rapportés au total des charges dépasse 50% dans certaines productions sensibles comme les fruits et légumes.

 

Limité aux saisonniers

En réponse au désarroi des employeurs agricoles, Nicolas Sarkozy souhaite remplacer les différents systèmes d’exonération de charges patronales existants pour les emplois de courte durée par un régime unique d’exonération totale. Le tout pour un coût estimé à 170 millions d’euros. Cette mesure pourrait être mise en place dès 2010 et «au moins pour cinq ans», a confié le président de la République, lors d’un déplacement dans la Drôme, le 12 novembre 2009. Selon Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, le coût horaire du travail saisonnier supporté par l’employeur passerait ainsi de 12 euros à «un peu plus de 9 euros». Le détail de la mesure devrait être fixé dans la loi de modernisation agricole (LMA), attendue pour la fin de l’année.

Claude Aurias, président de la chambre d’agriculture de la Drôme, salue l’effort du gouvernement en faveur des saisonniers, mais se méfie des «effets pervers» d’une telle orientation: «Nous avons aussi besoin que soient soutenus les emplois permanents!» Dans une lettre adressée au président de la République, le mardi 13 novembre 2009, l’intersyndicale des salariés de l’agriculture (2) s’insurge: «La politique de pression sur le coût du travail marque un choix dangereux pour l’agriculture.» Pour Frédéric Malterre, président de la FGA-CFDT, «le système français d’exonérations de cotisations sociales renforce les emplois précaires et les bas salaires» au détriment des emplois permanents. Selon ses estimations, les contrats «travailleur occasionnel» ont progressé de «75% depuis 2000».

 

Lourde protection sociale

«Il vaut mieux que l’économie agricole résiste avec davantage d’emplois de courte durée plutôt qu’elle disparaisse, estime de son côté Claude Cochonneau, président de la commission en charge de l'emploi à la FNSEA. Pour favoriser les emplois permanents, il faut que la réglementation change et que l’Union européenne gomme les différences en son sein.»

Les distorsions de concurrence entre Etats européens ont en effet de quoi surprendre. Selon une étude des producteurs de Légumes de France, un saisonnier payé au Smic (taux au 1er juillet 2008) coûte à un employeur français 11,04 euros de l’heure, malgré l’abattement de 90% de ses charges. En comparaison, le coût horaire d’un employé espagnol est estimé à 7,80 euros et, grâce à un régime spécifique, celui d’un saisonnier allemand travaillant moins de cinquante jours dans l’année, à 6 euros (lire l’encadré ci-dessous). Aux Pays-Bas et en raison de son âge, un salarié de dix-huit ans ne coûte que 4,47 euros de l’heure à son employeur.

«Les comparatifs du coût du travail à l’échelle européenne sont souvent caricaturaux», met en garde Frédéric Malterre. Au-delà de la représentativité très relative des études, les chiffres doivent être interprétés avec prudence. Le recours de certains Etats à des travailleurs étrangers d’Europe de l’Est ou extracommunautaires rend difficile les comparaisons. «La main-d’œuvre saisonnière immigrée constitue la quasi-totalité des saisonniers agricoles en Allemagne (90% en 2002)», illustre Légumes de France. Sans parler de l’emploi illégal, courant en Espagne: le député Le Guen y estime à plus d’un million le nombre de travailleurs étrangers en situation irrégulière.

Les disparités sont également accentuées par les différences dans l’organisation de la protection sociale. «En France, rappelle Claude Cochonneau, les charges sociales sont prélevées directement sur salaire. Dans d’autres pays d’Europe, le financement se fait par des prélèvements fiscaux, impôt sur le revenu, TVA ou autre.» Claude Aurias est sans concession: «Tant que le régime de protection sociale sera financé par des prélèvements au niveau des salariés et des patrons, les entreprises agricoles ne pourront pas avoir de perspectives d’avenir face à la concurrence européenne.»

Selon ses auditeurs drômois, Nicolas Sarkozy aurait avoué à demi-mot que tel était bien le problème de fond et qu’il comptait bien s’y attaquer un jour. En attendant une réforme de grande ampleur en la matière, certains estiment que le seul soutien aux emplois précaires risque de nuire à la nécessaire attractivité des métiers agricoles.

_____

(1) Rapport Le Guen, janvier 2005.

(2) (FGA-CFDT, CFTC, FNAF-CGT, FGTA-FO).

 

Pas de salaire minimal en Allemagne

A contrario , l’essentiel des employeurs de main-d’œuvre saisonnière ou permanente sont donc redevables de charges sociales. Et quel que soit le statut de la main-d’œuvre, ils doivent se conformer aux tarifs conventionnés pour fixer les salaires.

En revanche, il n’existe pas de salaire minimal garanti comme en France et le temps légal de travail est de 40 heures par semaine. Ainsi, le salaire conventionné des saisonniers varie entre 5,50 et 7 euros de l’heure d’un Land à l’autre.

«Mais beaucoup travaillent au forfait, entre 6 et 13 €/h», explique Burhard Möller, responsable des questions sociales au Deutscher Bauernverband (DBV), le syndicat majoritaire.

Pour les salariés permanents, qui sont quelque 185 000 en Allemagne, les salaires conventionnés s’élèvent en moyenne entre 10 et 11 €/h pour une personne qui a une formation agricole de trois ans.

En réalité, les salaires payés varient en fonction du marché du travail régional. Dans les régions où la concurrence sur le marché du travail est forte, les salaires sont beaucoup plus élevés que dans les régions périphériques et économiquement plus faibles. Ainsi, il y a une différence sensible entre la partie occidentale de l’Allemagne et les Länder de l’Est. Et même à l’Ouest, les situations sont hétérogènes. (R. Bossert)

 

Mutuelle obligatoire dès 2010

La souscription par l’employeur agricole d’une complémentaire santé et d’un régime de prévoyance au profit de ses salariés représente une charge supplémentaire. Elle était jusqu’à présent facultative, mais à compter du 1er janvier 2010, le régime d’adhésion obligatoire à une mutuelle unique s’impose. Un organisme de protection sociale est désigné pour chaque région ou département. L’affiliation se fera automatiquement, à moins qu’un accord local prévoie une adhésion par bulletin d’inscription.

Les employeurs ayant déjà souscrit des contrats auprès de mutuelles différentes pourront exceptionnellement les conserver, à condition que les garanties proposées soient plus avantageuses. Les salariés bénéficiant d’une protection sociale par leur conjoint auront intérêt à la résilier (quand c’est possible), sous peine de devoir payer deux cotisations en 2010.

 

par Alain Cardinaux

(publié le 20 novembre 2009)

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