Des viticulteurs bordelais, regroupés au sein d'un comité, le CAVB, ont décidé de s'attaquer au Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) dont ils dénoncent l'inefficacité dans la crise que traverse actuellement leur filière.
« On paie des cotisations au CIVB pour qu'il défende les intérêts de notre vignoble, mais on ne voit pas à quoi cela sert. Il a plutôt une action nocive pour les petits producteurs », dénonce Dominique Techer, porte-parole de ce Comité d'action des vignerons de Bordeaux, dont la création devait être officialisée jeudi soir.
Il envisage d'ailleurs, à travers leur CAVB, d'attaquer en justice les cotisations volontaires obligatoires (CVO) que chaque producteur doit verser au Conseil interprofessionnel.
Ce viticulteur de Pomerol accuse notamment le CIVB de favoriser les négociants au détriment des viticulteurs, et de ne donner à ces derniers « aucun droit de regard sur les comptes et la manière dont les fonds sont utilisés ».
« Les comptes du CIVB sont transparents (...) et l'affectation poste par poste des recettes et des dépenses est effectivement communiquée aux membres de l'assemblée générale et disponible sur le site internet », se défend le président du CIVB, George Haushalter.
Il « ne fait que ponctionner de l'argent (4 à 10 euros par hectolitre) aux producteurs sur des ventes qui se font désormais à perte », accuse le porte-parole du CAVB, qui a été créé par une trentaine de viticulteurs.
La majorité des producteurs des appellations les moins prestigieuses du bordelais traversent en effet, depuis le début des années 2000, une baisse constante de leurs revenus. Selon la chambre d'agriculture de la Gironde, ils sont désormais un quart à travailler à perte. « Ainsi, en 2009, entre 20 et 25 % des producteurs ont eu un revenu négatif et la situation s'est encore aggravée en 2010 », a indiqué Philippe Abadie, chef du service développement et formation à la chambre d'agriculture de la Gironde.
« J'ai dernièrement vendu mon vin à 850 euros le tonneau alors que le prix de revient sur notre exploitation est de 1.350 euros », témoigne Sylvie Verdier, propriétaire de Château Bessan, Premières côtes de Bordeaux et secrétaire du CAVB.
« Certains producteurs se retrouvent même obligés de vendre à moins de 650-680 euros le tonneau » de 900 litres, confirme Didier Cousiney, président du « Collectif viticulteurs 33 » créé en 2003.
A cette époque, ce collectif dénonçait déjà « l'incapacité de l'interprofession » et en particulier du CIVB à affronter la crise.
« Depuis plus de cinq ans, le CIVB a orienté son budget promotionnel vers le soutien des Bordeaux coeur de marché, vendus moins de 15 euros au consommateur final, qui permettent à notre filière de vivre dignement de son travail », soutient au contraire le président du Conseil interprofessionnel.
« C'est une structure qui se montre inefficace pour réguler le marché et promouvoir les vins de Bordeaux », tonne M. Cousiney, viticulteur à Pian-sur-Garonne.
Un point de vue partagé par Daniel Fénelon, un des responsables du comité interappellations né en 2009. « Le CIVB est sûrement pour beaucoup dans la situation dans laquelle se trouve le vignoble aujourd'hui (...) Cette maison s'est longtemps endormie alors qu'elle avait les moyens de faire beaucoup avec le budget dont elle dispose », affirme M. Fénelon, qui revendique 1.500 membres.
Ces deux responsables de comités se montrent cependant sceptiques sur la procédure judiciaire qu'envisage le CAVB. « J'ai essayé de ne plus leur verser mes cotisations mais au bout de deux ans et demi j'ai dû le faire sinon mes vins en chais étaient bloqués par les douanes », raconte M. Cousiney, dont le collectif se consacre désormais à aider les viticulteurs en difficulté.
« Nous avons consulté des juristes pour faire la même chose mais ils n'ont jamais trouvé la faille pour effectuer cette opération », explique M. Fénelon, qui encourage cependant « de tout coeur » l'action du CAVB.