Le détachement de salariés en Europe doit être mieux contrôlé, plaide la commission des affaires européennes du Sénat à la suite d'un rapport rendu public ce mardi 23 avril 2013, notant une « explosion de la fraude au détachement », qui concernerait jusqu'à 300.000 personnes en France.
En théorie, le détachement de salariés répond « au besoin de travailleurs spécialisés en vue d'effectuer une tâche de nature complexe dans un autre Etat membre confronté à un manque de main-d'œuvre dans ce domaine précis », indique le rapport réalisé pour la commission par le sénateur du Nord, Eric Bocquet (CRC, communiste).
Une directive européenne de 1996 (96/71) encadre ces détachements. Elle prévoit notamment que le « noyau dur » des règles du pays d'accueil s'applique (salaires, conditions de travail...), mais aussi que les cotisations sociales sont dues dans le pays d'origine. Dans les faits, la Commission européenne reconnaît que le nombre de travailleurs détachés est difficile à évaluer.
« De plus en plus de travailleurs détachés » en agriculture
Selon le rapport, « les principaux secteurs concernés sont ceux de la construction (un tiers des travailleurs détachés), de l'industrie (25 % des travailleurs détachés) et du travail temporaire (20 %) ». L'agriculture « attire également de plus en plus de travailleurs détachés : une augmentation du nombre des déclarations de 58 % a été enregistrée entre 2010 et 2011 ». Selon le rapport, l'agriculture française recensait 7.636 salariés détachés en 2011, un chiffre en hausse de 1.000 % depuis 2004.
En France, le nombre de travailleurs déclarés comme détachés a été multiplié par quatre depuis 2006, passant de près de 38.000 salariés à environ 145.000 en 2011. Mais, indique le rapport, beaucoup de salariés ne sont pas déclarés et « le chiffre de 300.000 salariés low-cost détachés en France au mépris du droit communautaire semble crédible ».
« En période de crise, ce chiffre devient un réel problème politique tant il peut générer au sein de la population le sentiment d'une captation des emplois par des salariés étrangers forcément moins coûteux », écrit le sénateur communiste, évoquant du « dumping social ».
Pour M. Bocquet, « l'absence de dispositions concrètes en matière de contrôle au sein de la directive de 1996 constitue une des raisons principales de cette explosion de la fraude au détachement », qui « fait souvent apparaître cascade de sous-traitants (...) et sociétés "boîte aux lettres" au sein du pays d'envoi ».
Face aux abus, la Commission européenne a présenté, en mars 2012, un projet d'amélioration de la directive de 1996. Mais, indique M. Bocquet, il s'agit d'un « dispositif modeste et contradictoire ». Le texte est en cours de négociations au sein d'un Conseil « divisé entre tenants d'un renforcement des contrôles, à l'image de la France, [...] et partisans d'un statu quo favorables à leurs intérêts, à l'instar d'un certain nombre d'Etats membres ayant adhéré après 2004 ».
A télécharger :
- Rapport sénatorial sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs fait par Eric Bocquet au nom de de la commssion des affaires européennes