La Cour suprême des Etats-Unis a examiné, mardi, le litige qui oppose le géant américain de l'agrochimie Monsanto à un fermier de l'Indiana, qu'il accuse d'avoir enfreint ses brevets dans l'utilisation qu'il faisait de graines transgéniques. Sa décision est attendue avant la fin de juin 2013.
« Je n'ai rien fait de mal », a déclaré à la sortie de l'audience l'agriculteur, Vernon Hugh Bowman, un producteur de soja de 75 ans résidant dans l'Indiana (nord). « Il n'y a rien d'illégal et [...] aucune menace pour Monsanto ».
Le groupe américain, qui a engagé ce bras de fer contre l'agriculteur en 2007, considère au contraire que sa propriété intellectuelle a été violée. Il insiste sur le fait que ce litige est déterminant, non seulement pour l'agriculture, mais aussi dans d'autres domaines comme la médecine, les biotechnologies, l'informatique et les sciences de l'environnement.
M. Bowman, débouté par les juridictions inférieures, est poursuivi pour avoir replanté et cultivé des graines de soja issues de semences modifiées génétiquement pour résister à l'herbicide breveté que le groupe américain produit également.
L'agriculteur avait signé un contrat d'utilisation qui lui interdisait de conserver et de réutiliser ces semences après la récolte, afin de garantir l'achat de nouvelles semences chaque année. Or, Monsanto s'est aperçu que M. Bowman avait une production supérieure à celle que les semences achetées pouvaient générer.
Le cultivateur affirme, pour sa défense, qu'il a toujours respecté son contrat avec Monsanto, en achetant de nouvelles semences OGM chaque année pour sa culture primaire. Mais, à partir de 1999, pour faire des économies, il a acheté d'autres semences auprès d'un producteur local et les a plantées pour une moisson distincte. S'apercevant que ces semences avaient développé une résistance à l'herbicide, il a répété l'opération de 2000 à 2007 et, « à la différence de sa culture primaire, a conservé les semences obtenues lors de sa culture secondaire pour les replanter ».
« Il a pu utiliser la technologie Monsanto sans avoir payé », a déclaré à l'audience Seth Waxman, l'avocat du géant de l'agronomie. « Selon la théorie de M. Bowman, Monsanto aurait épuisé tous ses droits » car il s'agit d'une technologie qui peut être reproduite. Mais, sans la protection des brevets, « Monsanto n'aurait pas pu commercialiser son invention qui est maintenant l'une des technologies les plus populaires aux Etats-Unis », a-t-il ajouté. « C'est insupportable de se dire qu'on ne peut pas vendre un vaccin à un pharmacien sans épuiser tous ses droits sur ce vaccin », a plaidé Me Waxman. De la même façon, pour les logiciels, « je n'ai pas le droit d'appuyer sur un bouton et faire un million de copies ».
Alors que Monsanto a été soutenu à l'audience par le gouvernement américain, plusieurs juges de la Cour suprême sont apparus favorables à ces arguments. « Il n'y a virtuellement aucune limite », a déclaré le président de la haute juridiction, John Roberts. « En fabriquant des nouvelles semences, parfaites copies de celles de Monsanto, il a enfreint les brevets », a renchéri le juge Stephen Breyers.
« Sa seule manière d'utiliser cette invention est de la planter et de faire pousser des semences », a plaidé de son côté l'avocat du cultivateur, Mark Walters. Cela « ne constitue pas une menace pour les affaires de Monsanto ».
M. Bowman, à qui le géant américain réclame 85.000 dollars, est « dans une situation désespérée », a-t-il ajouté.
La décision de la Cour suprême est attendue avant la fin de juin 2013.