Les quinzièmes Rendez-vous de l'histoire de Blois, qui avaient pour thème cette année « Les paysans », ont fait le plein malgré la pluie. Quelque 25.000 personnes ont afflué aux multiples conférences savantes qui émaillaient ces quatre jours.
De ces quatre jours de brassage et d'érudition à Blois (du 18 au 21 octobre) ressort l'idée que, jamais dans l'histoire, les campagnes n'ont été immobiles, figées dans un ordre éternel : « Le changement n'a jamais été le monopole des villes », a rappelé entre autres Jean-Jacques Moriceau, professeur d'histoire à l'université de Caen. L'apogée des pâtures date du XVIIIe siècle, la pomme de terre s'est développée à la même époque. Du côté des villages, le nombre de paroisses a continué à croître jusqu'au milieu du XIXe siècle. La consommation de la viande, aujourd'hui contestée, a toujours varié : le porc représentait 45 % des viandes au XIIIe siècle, le bœuf 27 %. Quatre siècles plus tard le bœuf a pris la place du porc, qui n'en représente plus que 12 %.
Autre idée force : la voix des paysans a été inaudible jusqu'au milieu du XXe siècle. A part dans quelques régions, c'est l'urbain, le notable, l'aristocrate, les autorités religieuses, le propriétaire, l'écrivain qui parlaient au nom des cultivateurs et des éleveurs, privés de réelle expression mis à part le droit de vote universel obtenu définitivement en 1848 (pour les hommes). Il faudra attendre Vichy pour que l'on élise des producteurs à la tête des organisations agricoles.
Aujourd'hui, les agriculteurs doivent subir la nostalgie d'un temps jadis (c'était mieux avant...) fantasmé par les urbains plus que vécu par les ruraux. Sylvie Brunel, géographe qui a prononcé le discours d'ouverture, a défendu le rôle irremplaçable des agriculteurs, leur modernité responsable et créative, la nécessité de continuer à pratiquer une agriculture diverse, écologiquement intensive.
Eric Orsenna, écrivain qui a clôt ces quatre jours consacrés aux paysans, a regretté les discours ambiants qui trop souvent stigmatisent les agriculteurs. Il a énuméré les sept raisons pour lesquelles il dit merci aux paysans : « Ils nous apportent la diversité, la continuité, la proximité, le progrès, y compris dans un usage moindre et raisonné des pesticides, l'entretien des paysages, une alimentation qui satisfait notre gourmandise et favorise le besoin de lien et de civilité de toute société, et enfin un excédent de la balance commerciale. »