L'ONU a tiré la sonnette d'alarme, mardi, en jugeant « très dangereuse » pour quelque quatre-vingts pays, dont ceux du Sahel, la nouvelle flambée des prix des denrées alimentaires.
« Nous vivons aujourd'hui le début d'une crise alimentaire similaire à celle de 2008 », s'est inquiété, dans un entretien au quotidien français Les Echos, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Olivier de Schutter, allusion à l'explosion des prix alimentaires de 2008 qui avait provoqué des émeutes de la faim dans une trentaine de pays.
« Nous sommes dans une situation très tendue », a renchéri Abdolreza Abbassian, économiste chargé du suivi du secteur des céréales auprès de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.
Quatre-vingts pays environ sont en situation de déficit alimentaire, selon l'ONU. Les plus menacés sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad.
Le Mozambique, qui a peu de réserves de devises, est aussi fragilisé par cette augmentation du prix des matières premières agricoles, de même que certains pays de l'Asie centrale comme l'Afghanistan et la Mongolie. La Corée du Nord n'est pas non plus épargnée.
Les prix des produits agricoles n'ont cessé de progresser depuis le mois d'août, notamment le coût du maïs et du blé, les deux principales céréales. L'indice global des prix des produits de base agricoles (céréales, viande, sucre, oléagineux, produits laitiers) mesuré par la FAO depuis vingt ans, se situe actuellement à un niveau historique.
Cette explosion des prix est « très dangereuse » pour les pays en voie de développement, met en garde Olivier de Schutter.
« Je ne vois pas de raisons fondamentales susceptibles de modifier cette tendance au cours des six prochains mois », avance son collègue de la FAO. Pourtant, les stocks mondiaux ont été reconstitués en 2008 et en 2009. Les réserves de blé sont ainsi passées de 166,19 millions de tonnes en 2008-2009 à 196,68 millions un an plus tard, selon le ministère américain de l'Agriculture (USDA).
En dépit de la sécheresse et des incendies en Russie et des inondations en Australie, des aléas climatiques ayant fortement perturbé les récoltes, les stocks mondiaux de blé en 2010-2011 seront tout à fait suffisants, à 176,72 millions.
« Le monde ne connaît pas de pénurie », assure Olivier de Schutter, car l'état actuel des stocks devrait permettre de répondre à la demande mondiale cette année, assure-t-il.
Autre signal positif : en Asie, le prix du riz, base de l'alimentation, a été divisé par deux par rapport à 2007-2008, fait remarquer la FAO.
La flambée des prix alimentaires actuelle est ainsi davantage due à la « panique » sur les marchés agricoles qu'à un déséquilibre entre l'offre et la demande, estiment les Nations unies.
« Lorsque des informations sur des incendies en Russie, une canicule en Ukraine, des pluies trop fortes au Canada ou autres s'accumulent, certains opérateurs de marché préfèrent ne pas vendre tout de suite, tandis que les acheteurs cherchent à acheter autant que possible. Si tout le monde fait ça les prix augmentent », résume Olivier de Schutter.
Pour éviter une nouvelle crise alimentaire, le responsable plaide pour la réalisation des investissements promis il y a deux ans. Sur les 20 milliards de dollars promis au G8 de L'Aquilla (Italie) en avril 2009, seuls 20 % ont été déboursés, déplore l'Organisation. « C'est très décevant », a commenté Olivier de Schutter.
L'ONU appelle également à plus de transparence sur les opérations de gré à gré sur les marchés des dérivés où, selon elle, « 92 % des opérations se déroulent dans l'opacité ». Ceux-ci sont accusés d'alimenter la spéculation et la volatilité des prix.
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