Les ministres européens de l'Agriculture, réunis lundi à Bruxelles, ont affiché leurs divergences sur les réponses à apporter à la crise du lait. Une proposition de la France et de l'Allemagne visant à introduire une nouvelle régulation du secteur, soutenue par 16 Etats membres, a toutefois été fraîchement accueillie par certains partenaires.
Le ministre suédois de l'Agriculture, Eskil Erlandsson, dont le pays préside actuellement l'UE, a ainsi exprimé à son arrivée à la réunion «l'espoir» de mettre un terme à la régulation du secteur. Il a ainsi adressé une fin de non recevoir à une proposition présentée par Paris et Berlin.
Seize des 27 Etats membres de l'UE se sont quant à eux dits lundi favorables à une nouvelle régulation du secteur laitier pour accompagner la suppression des quotas, soutenant ainsi l'initiative franco-allemande.
Dans un document distribué en marge de la réunion, ces seize Etats membres estiment que «de nouvelles formes de régulation à l'échelle européenne seront nécessaires pour que le secteur laitier ne dépende pas des seules règles du marché».
Le texte, soutenu par l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, l'Estonie, la Finlande, la France, la Hongrie, l'Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, juge aussi que les mesures existantes ont «aidé à éviter un effondrement supplémentaire des marchés mais ne sont pas suffisantes pour améliorer la situation à laquelle les exploitations ont à faire face».
Il demande «des réponses de court terme pour accompagner la sortie du régime des quotas laitiers», mais aussi que les relations contractuelles au sein des filières agroalimentaires soient «facilitées et soutenues» afin notamment de «prévenir les risques de marché».
La déclaration des «seize» propose aussi d'augmenter temporairement le prix d'intervention dans le secteur laitier. Elle suggère d'augmenter le seuil des aides publiques nationales autorisées sans nécessité d'obtenir le feu vert de Bruxelles et ambitionne d'améliorer l'étiquetage en permettant par exemple des labels «lait de France».
Dans une déclaration complémentaire, six de ces pays (Allemagne, Autriche, France, Hongrie, Portugal et Slovaquie) demandent à la Commission européenne d'envisager la suspension temporaire d'une augmentation prévue des quotas laitiers en 2010-2011.
«Une suspension de la hausse enverrait un signal politique important» aux producteurs qui manifestent depuis des semaines en Europe, souligne un diplomate d'un pays ayant signé le texte.
Mais la commissaire européenne à l'Agriculture a rejeté lundi tout idée de gel de la hausse des quotas l'an prochain, estimant que cela «ne mènerait nulle part».
«Nous avons fait bouger les lignes sur la nécessité d'obtenir une régulation européenne du marché du lait», a affirmé Bruno Le Maire.
La ministre allemande, Ilse Aigner, qui se trouve en pleine campagne électorale législative dans son pays, est sortie beaucoup moins satisfaite. Elle a parlé d'«un échec de l'Union européenne», reprochant à Bruxelles d'avoir rejeté toutes les propositions. «Cette absence de marge de manoeuvre n'est pas compréhensible», a-t-elle déploré.
Le refus suédois de l'initiative franco-allemande a été soutenu par la ministre néerlandaise de l'Agriculture, Gerda Verburg. Elle a indiqué qu'elle ne soutiendrait pas le projet franco-allemand, «parce que je suis favorable à un libre marché laitier».
«Je suis pour travailler à un atterrissage en douceur en 2015, pour ensuite abandonner le système des quotas et je pense que nos producteurs laitiers peuvent gérer cela» sans avoir besoin de mesures alternatives, a-t-elle précisé.
«On voit très bien qu'il y a un clivage Nord-Sud au niveau des positions sur l'agriculture, les pays du Sud étant des grands défenseurs de l'exception agricole, de la régulation du marché», a résumé le Belge Benoît Lutgen, ministre wallon de l'Agriculture, qui entend défendre l'initiative franco-allemande.
Des producteurs européens de lait de l'EMB (European milk board) menacent de déclencher une «grève du lait» au niveau européen si rien n'est fait. Une décision à ce sujet doit être prise jeudi à Paris.
Environ 800 agriculteurs belges ont manifesté lundi à Bruxelles en marge de la réunion des ministres.
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