En bloquant, lundi 3 mars, les deux entrées du tunnel du Lioran situé au cœur du département du Cantal, les éleveurs ont voulu conduire une action symbolique pour exprimer leur désarroi. «Je n’aurais jamais cru qu’on arrive à une fermeture de la frontière franco-italienne», exprimait un éleveur allaitant, présent à la manifestation.
Pour preuve de son incrédulité par rapport à une mesure jugée «inapplicable», il lui reste sur les bras une vingtaine de broutards de plus de 400 kg en vif, donc prêts à la vente. Les cours en baisse, pratiqués ces quinze derniers jours avec une «fièvre» croissante aussi bien à l’achat qu’à la vente ne l’ont pas incité à vendre. Mais l’avenir apparaît aujourd’hui très sombre avec les délais du protocole de vaccination imposés à ce jour.
«Un délai de 60 jours après la seconde vaccination conduit à une attente minimale de trois mois avant toute nouvelle exportation vers l’Italie. Autant dire que cet état de fait est catastrophique pour l’ensemble de la filière, analyse Denis Costerousse, éleveur à Sainte-Marie et président de l’ADECA, association regroupant plus de 1.150 éleveurs allaitants du Cantal et du sud du Puy-de-Dôme. Pour les éleveurs, garder des broutards trois mois de plus sur les exploitations conduirait à la fois à des charges colossales et au bout du compte à un produit, qui en ayant pris plus de cent kilogrammes, ne serait plus adapté au marché du maigre. Quant aux négociants exportateurs, quels sont ceux qui résisteraient à trois mois d’inactivité de leurs entreprises? La solution proposée à ce jour est tout simplement inenvisageable!»
Malgré des ventes accélérées de plus de 50% des volumes habituels au cours des trois dernières semaines, tous les broutards cantaliens n’ont pu être commercialisés. On estime le nombre de broutards encore présents à plus de 15.000 têtes, ce qui nécessiterait donc l’arrivée de plus de 30.000 doses de vaccins contre la FCO.
Près de 300 éleveurs appelés à manifester par la FDSEA et les JA du Cantal sont ainsi venus témoigner leur colère, et bien au-delà, leurs incertitudes quant à l’avenir de l’élevage en France.
«Face à la flambée des charges (avec +50% du coût de l’aliment, +100% du prix des amendements et +30% du prix du fuel en un an), face au désengagement de l’Etat vis-à-vis des régions herbagères et des régions d’élevage, ce sont les éleveurs de bovins, de porcs, d’ovins et de lapins qui se mobilisent aujourd’hui pour exprimer leur ras le bol! L’annonce simultanée du blocage des frontières à l’exportation et du plafonnement de la PHAE (prime à l'herbe, ndlr) a fait déborder le vase», souligne Patrick Escure, président de la FDSEA du Cantal.
Pour Julien Fau, président des JA du département, «le manque de lisibilité sur les perspectives à moyen terme des prix de base ne peut que dissuader des jeunes de s’installer. Le désengagement de l’Etat sur le plan "bâtiment" et sur la PHAE renforce la difficulté de croire en un avenir serein de la profession d’éleveur!»
Les responsables syndicaux ont rendez-vous le vendredi 7 mars 2008 avec le préfet. «Cette crise qui concerne peu le grand public n’est pas médiatisée, elle va pourtant pénaliser fortement l’ensemble de l’économie du milieu rural», commente un négociant exportateur.
Quant à la bonne santé à venir du marché franco-italien du bétail maigre, on est en droit de se poser aussi des questions: les engraisseurs italiens, pour qui le marché de la viande est en régression de volume et de prix dans leur pays, attendront-ils les broutards français ou se tourneront-ils vers d’autres sources d’approvisionnement, moins onéreuses? C’est la question que se posent Sergio et Gianni Bugin, dont l’abattoir en Vénétie commercialise 900 bovins par semaine.
Consultez ces articles :
-
Fièvre catarrhale: les négociations avec l'Italie se poursuivent (ministère)
-
Fièvre catarrhale: la distribution du vaccin commence (ministère)
Consultez également notre dossier: