Une fois n'est pas coutume. Cette année, c'est au nord d'une diagonale allant du Poitou-Charentes à la Champagne-Ardenne qu'il fait le plus sec. Certains secteurs dans le Centre, en Normandie et en Picardie n'ont reçu que quelques millimètres de pluie en deux mois. Les vents desséchants n'ont rien arrangé. Le retour du beau temps, avec une hausse des températures cette fin de semaine, accentue l'inquiétude.
Certes, le récent épisode pluvio-orageux est arrivé au bon moment et a réduit localement les craintes sur le développement des cultures, tout en apportant une légère détente sur les marchés.
« En une semaine, avec le retour des pluies, la plaine s'est métamorphosée, les stades ont bien progressé », appuie un technicien. Le retard observé dans les parcelles jusqu'à maintenant à cause des températures fraîches du printemps a été en partie comblé.
Mais les quantités d'eau tombée dans le quart ouest de la France sont plus qu'hétérogènes (de 2 mm à 80 mm) et, dans certaines zones, le potentiel de rendement devrait en prendre un coup. Les apports d'azote n'ont pas toujours été bien valorisés.
Certaines parcelles de céréales et de protéagineux sont irriguées dans le Centre, le Poitou-Charentes et les Pays de la Loire, mais les agriculteurs ont dû limiter les tours d'eau afin de ne pas rester dépourvus cet été pour arroser maïs, pommes de terre et betteraves.
Le mois de juin sera encore plus que d'habitude décisif : il faudrait qu'il pleuve au minimum 40 mm pour limiter les dégâts. « Si le nombre d'épis est réduit, un bon remplissage des grains sans fusariose permettra encore d'avoir des rendements corrects », espèrent même certains opérateurs.
En blé, les pertes sont déjà estimées entre 10 et 20 % comparées à l'an dernier dans le Centre et le Nord-Ouest, jusqu'à 30 % dans le Calvados. Les sols les plus superficiels sont bien sûr les plus touchés. Les pluies arrivent trop tard pour permettre aux céréales de se refaire.
Les orges d'hiver sont aussi pénalisées, même si elles s'en sortent mieux que les variétés de printemps (voir l'encadré).
Conséquence du sec lors de la phase de montaison des céréales : les entre-nœuds sont très courts et les plantes ne sont pas très hautes. Avec en plus des régressions de talles, les rendements en paille devraient être faibles.
D'où l'inquiétude des éleveurs, dans un contexte de mauvaises récoltes d'herbe et d'amenuisement des stocks fourragers. Certaines FDSEA, comme en Anjou, appellent les céréaliers à ne pas broyer la paille.
Autre préoccupation sur les céréales : les températures froides autour du 14 mai dans le Nord-Ouest font craindre dans certaines parcelles des dégâts de gel au stade sensible de la méiose.
Le Sud arrosé
Le Sud fait pour une fois figure d'exception, puisqu'il a été plutôt bien arrosé, tout comme l'Est. Dans le Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon, les 100 mm tombés au début de mai, en moyenne, ont été les bienvenus après la sécheresse du mois d'avril. Les opérateurs s'inquiètent toutefois des conséquences sur la fécondation des blés qu'ont pu engendrer les températures proches de 0 °C au début de mai. Les cultures accusent toujours un retard de huit à quinze jours, mais le potentiel devrait être plutôt correct.
La Bourgogne, la Franche-Comté, l'Auvergne et la région Rhône-Alpes ne s'en sortent pas trop mal non plus, mais avec une forte hétérogénéité. Certaines parcelles de céréales en sols sableux présentent des ronds jaunes et seront pénalisées.
En Lorraine, où il a plu 30 à 40 mm par endroits, les opérateurs sont un peu déçus du nombre d'épis au mètre carré des céréales d'hiver, conséquence du déficit hydrique au mois d'avril et du manque de chaleur. « Le blé ne dépasse pas les genoux, c'est du jamais-vu », alerte un technicien en Meurthe-et-Moselle.
En Aquitaine, on est aussi un peu pessimiste sur le potentiel.
Les colzas sont très hétérogènes selon les régions et d'une parcelle à l'autre. Les conditions d'implantation y sont pour beaucoup. Le froid hivernal a fait le reste. La floraison a été plutôt courte, notamment dans le Sud-Ouest. Le potentiel devrait être très moyen un peu partout, sauf dans le Rhône-Alpes, où le rendement est annoncé meilleur que l'an dernier. « Juin sera là aussi décisif pour le poids de mille grains », estime-t-on dans le Loiret.
Des cultures de printemps également touchées Les orges de printemps sont cette année très affectées par le climat au nord-ouest du territoire. Elles ont à la fois souffert du froid et de la sécheresse. Les parcelles sont clairsemées, le nombre d'épis plutôt faible et l'alimentation azotée a souvent été problématique. Alors que la culture est souvent en train d'épier, elle dépasse à peine les 30 cm de hauteur. Dans ces conditions, des pertes de rendement sont déjà pressenties et pourraient atteindre jusqu'à 30 % au nord de l'Oise et 20 % dans l'Eure-et-Loir. Le lin accuse également le coup. Les tiges sont deux fois plus courtes qu'habituellement et ne seront peut-être pas arrachables. Du côté de la qualité, le taux de fibre ne devrait pas non plus être fameux. Le maïs et le tournesol, grâce à la hausse des températures du week-end de la Pentecôte, ont pu se refaire une santé. Mais tout le monde s'accorde pour dire qu'il serait désormais grand temps que les températures remontent. Des levées hétérogènes, voire des pertes de pieds, sont les principaux faits marquants. En Bretagne et en Auvergne, il s'agit de dégâts ponctuels liés au gel courant mai. Ailleurs, les corvidés mais aussi des pigeons ont pu entraîner une nécessité de ressemer. Les impasses de traitement insecticide, alliées au climat non poussant, ont favorisé les attaques de ravageurs tels que le taupin, l'oscinie ou la scutigérelle. |
Cécidomyies présentes
Seule compensation cette année, les maladies se sont faites très discrètes. Les parcelles ont été bien protégées. Seule la fusariose pourrait faire un peu parler d'elle dans les blés, là où il a plu ces derniers jours. Quelques symptômes d'helminthosporiose et de rhynchosporiose ont été observés dans les orges, tandis que le sclérotinia est encore discret dans les colzas.
Du côté des ravageurs, la forte présence de cécidomyies est la caractéristique de l'année dans bon nombre de régions. Les attaques significatives de 2009 ont laissé des stocks importants de larves viables dans le sol, et l'hiver long et froid a permis de les faire émerger. La vigilance reste donc de mise jusqu'à la fin de la floraison des blés. Les premiers pucerons ont aussi fait leur apparition. Dans les colzas, les méligèthes ont été assez peu présents.
Manque d'efficacité des désherbages Dans bon nombre de cultures, les désherbages de printemps n'ont pas toujours bien fonctionné. En cause, plusieurs facteurs : - la progression des résistances aux fops et aux sulfonylurées, - les mauvaises conditions d'application (vent, hygrométrie trop faible…), - le positionnement trop tardif des traitements, suivis d'un temps sec en avril. Les cultures claires ont aussi laissé la place aux adventices. Il n'est pas rare de voir des vulpins, des ray-grass, des renouées dans les céréales. Celles qui ont été désherbées à l'automne sont plus propres. Beaucoup de colzas se sont à nouveau salis. En maïs, les désherbages de postsemis-prélevée dans le sec n'ont également pas toujours bien fonctionné. |
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