Dans une lettre ouverte diffusée le 7 octobre, le président de la Coordination rurale (CR), Bernard Lannes, réagit à l'interview dans laquelle Phil Hogan, commissaire européen à l'agriculture, déclare ne « pas croire que les agriculteurs produisent pour un prix inférieur à leurs coûts de production ».
« De tels propos démontrent votre totale ignorance et votre profond mépris à l'égard des agriculteurs européens. Si tous ne travaillent pas à perte, cette situation est malheureusement le lot d'un trop grand nombre d'entre eux, soumis à la brutale volatilité des cours des denrées agricoles et réduits à ne plus pouvoir dégager de revenu suffisant, ni pour investir sur leur exploitation, ni pour faire vivre leur famille. »
Démenti de l'Observatoire des prix et des marges
« Nous sommes d'autant plus surpris par votre incroyable déclaration qu'elle couvre de fait d'opprobre les fonctionnaires de notre ministère de l'Agriculture qui produisent depuis plusieurs années un rapport sur la formation des prix et des marges au long des filières agricoles les plus importantes. Si vous preniez le temps de consulter le rapport 2014 remis au Parlement français en 2015, vous comprendriez rapidement l'erreur que vous avez commise lors de cette interview. Comme nous vous savons très occupé, nous vous recommandons de vous limiter à la lecture de ces quelques mots sous la signature de Monsieur Philippe Chalmin, notamment économiste, spécialiste des marchés des matières premières, professeur d'histoire économique à l'université de Paris-Dauphine, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges : « Au stade de la production agricole, même en tenant compte des fluctuations de prix, on ne peut qu'être frappé de la très grande précarité des situations des producteurs qui se vérifie encore en 2014 avec des coûts de production supérieurs aux recettes (prix de vente et subventions) dans la plupart des activités d'élevage et de manière plus récente pour les grandes cultures, ce qui empêche bien souvent toute rémunération du capital investi et surtout de la main-d'œuvre familiale à parité avec d'autres secteurs. Ces chiffres, qui se reproduisent malheureusement à l'identique d'une année sur l'autre au hasard des fluctuations de marché, posent en filigrane un problème qui dépasse de loin la compétence de l'Observatoire, mais qui est celui de l'avenir du modèle français de l'exploitation familiale et de sa transmission aux générations futures. »
« Cette situation dramatique est d'ailleurs provoquée par les chimères libérales que vous poursuivez, comme l'ont fait vos prédécesseurs et qui entraînent les agriculteurs européens vers la ruine ! Combien de suicides d'agriculteurs, de dépôts de bilan d'éleveurs, de départs à la retraite non remplacés vous faudra-t-il pour que vous considériez « les preuves » comme suffisantes à vos yeux ? »
« Des propos déplacés et inacceptables »
« Vous semblez ignorer que certains agriculteurs, lors des périodes difficiles où ils travaillent à perte, tiennent bon grâce au travail bénévole de personnes âgées et retraitées, leurs parents, aux revenus de leur conjoint-te salarié-e à l'extérieur de l'exploitation et aux crédits à court terme octroyés par leur banque, leur permettant de continuer leur « business » comme vous le dites si vulgairement. »
« De tels propos paraissent d'autant plus déplacés et inacceptables qu'ils sont représentatifs d'une caste de fonctionnaires européens bénéficiant de privilèges exorbitants sans pour autant assumer leurs responsabilités vis-à-vis des citoyens européens. »
« Nous ne saurions que trop vous recommander de descendre de votre loge pour aller rencontrer de vrais agriculteurs dont vous avez transformé les champs et les étables en une cruelle arène de gladiateurs, et constater la réalité du sort que vous leur imposez. »
« Soucieux de vous aider à vous reconnecter au monde réel, nous vous proposons de vous ouvrir les portes d'exploitations françaises dès que votre emploi du temps vous le permettra. »