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Construction en zone agricole

La loi littoral limite le développement de l’agriculture, le gouvernement fait la sourde oreille

Publié le vendredi 19 décembre 2014 - 17h13

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Agriculteurs et élus, appuyés d'avocats, de notaires et de juges ont poussé un cri d'alarme le 18 décembre à Montpellier à l'occasion d'un débat organisé par l'Association française de droit rural (AFDR) Languedoc sur le thème « Loi littoral et activités agricoles, des territoires contraints ».

 

Dans la zone d'activité où se tenait le colloque, située entre l'aéroport et la mer Méditerranée, les bâtiments publics ou à usage commerciaux poussent comme des champignons alors qu'on est dans une zone soumise à la loi « littoral ». A quelques encablures de là, les agriculteurs ne sont pas autorisés à construire des bâtiments pour conforter leurs activités maraîchères, horticoles ou vitivinicoles. Ceux qui le font sans rien demander sont le plus souvent ignorés. Ceux qui demandent l'autorisation sont poursuivis en correctionnelle.

 

C'est le cas d'un maraîcher de Mauguio dont la construction d'un « camping » avec mobile-homes pour loger les 600 saisonniers qu'il emploie d'avril à août pour la cueillette de melons, de fraises, etc. avait pourtant été autorisée par le Maire : « L'agriculture du Pays de l'Or, dont fait partie ma commune, est performante tant d'un point de vue technique qu'économique, souligne Yvon Bourrel. Elle génère 1.500 emplois directs, indirects et induits et 2.500 saisonniers par an. Mais elle est fragilisée par la pression urbaine, par la présence de zones inondables et par l'application de la loi littoral. Ce qui nous met, nous élus, dans l'impossibilité absurde de répondre aux besoins des exploitations de construire en zone agricole.

 

Le problème est particulièrement saillant pour les logements des travailleurs saisonniers », regrette-t-il. Préfecture, ministères (de l'Environnement, de l'Agriculture...), DDT se renvoient la balle – d'ailleurs la DDT(M) de l'Hérault avait décliné l'invitation à participer à ce débat. « Personne ne conteste la légitimité de la demande, mais ils craignent que cela fasse école et que des projets moins sérieux s'engouffrent dans la brèche », ajoute le maire de Mauguio, qui assure appliquer la loi scrupuleusement par ailleurs (« J'ai fait détruire des habitations »).

 

 

Environnement contre économie

 

La loi littoral de 1986 ne semble pas être la même pour tous. Pourtant, à l'origine, elle visait autant à protéger le littoral qu'à développer l'agriculture. Tous les juristes s'accordent à le dire : le premier impératif a pris le pas sur le second. Pourtant, « il est impensable de revenir sur une loi sacralisée par l'opinion publique, point d'équilibre entre l'économie et l'écologie », assure Maître Henri Coulombie, avocat au barreau de Montpellier. Alors quels ajustements ? Car le déclin de la surface des exploitations agricoles se poursuit inexorablement sur la frange littorale : -25 % pour les communes littorales entre 1970 et 2010, contre -9,8 % en moyenne sur l'ensemble du territoire français.

 

Dans leur rapport du 21 janvier 2014, les sénateurs Bizet et Herviaux dénoncent non seulement « une application hétérogène, inéquitable et souvent conflictuelle de la loi », mais pointent du doigt « des difficultés davantage sociologiques que juridiques ». Ils proposent notamment de décentraliser aux élus locaux l'interprétation et l'application de la loi en créant un dispositif optionnel de chartes régionales d'aménagement du littoral (CRAL) et d'ajuster les règles d'urbanisme. Les tentatives d'assouplissement proposées par les parlementaires dans la loi d'avenir pour l'agriculture ont été balayées d'un revers de main.

 

La loi littoral interdit toute construction sur la bande des 100 mètres du littoral, les espaces proches du rivage, les espaces remarquables et les coupures d'urbanisation. Elle encadre des dérogations en zone agricole pour les agrandissements de bâtiments existants, les constructions en continuité de l'urbanisation existante et en « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement » (HNIE) lorsque l'activité agricole est jugée « incompatible avec le voisinage ». Mais même dans ce cas, les HNIE ne peuvent pas être créés là où ils seraient réellement nécessaires, sans compter la complexité des exigences en matière de construction dans ces zones (exigence d'intégration, de couleurs et de matériaux – pas de constructions légères par exemple, ce qui rend impossible le logement de centaines de saisonniers) et leur coût que ni les agriculteurs ni les collectivités locales ne peuvent supporter.

 

 

Des solutions à trouver rapidement

 

Maître Henri Coulombie suggère une grande loi sur la ruralité. « Il faut redéfinir le statut des agriculteurs car ils sont la meilleure garantie du caractère naturel des terres », plaide l'avocat. Jean-Pierre Gilles, notaire à Arles et membre de l'Inere, l'Institut national des notaires ruraux, voit deux axes de réflexion se dégager depuis quelque temps. D'abord, la mise en cohérence des documents d'urbanisme avec la loi littoral. « On peut se ménager des latitudes dans le Scot », assure-t-il. Et, la concrétisation de servitudes conventionnelles, d'usage ou encore la constitution de droits réels spécifiques, des outils juridiques qui, adaptés, permettraient de créer des droits réels au profit de l'activité agricole.

 

Des propositions concrètes devraient être remontées au gouvernement. Philippe Goni, avocat au barreau de Paris et organisateur de cette journée, l'a promis. Les agriculteurs et les élus demandeurs ne sont pas des contestataires de principe, comme on en voit fleurir ces derniers mois. « La loi littoral a aussi du sens pour les agriculteurs. Nous en partageons l'esprit. C'est dans l'application que cela se complique », a résumé Marie Levaux, horticultrice, élue de la chambre d'agriculture de l'Hérault. L'avenir de l'agriculture du littoral français est entre les mains du gouvernement.

 

Arielle Delest
Publié par
Journaliste Politique, droit et gestion


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