Acteurs des politiques publiques, chercheurs et industriels se sont réunis ce mardi 10 juin à Londres à l'occasion de la session semestrielle du Conseil international des céréales afin d'évaluer les défis auxquels devra faire face la production céréalière et examiner les perspectives qui s'offrent au commerce des grains à l'horizon de 2050.
La population mondiale devrait atteindre 9,6 milliards en 2050. Les modes de consommation sont aussi amenés à évoluer du fait de l'augmentation des revenus.
« En Chine, la classe moyenne s'accroît et à partir de 400 dollars de revenu par mois, les ménages sont demandeurs d'une alimentation à base de lait, d'œufs et de viande », explique Jilong Feng, directeur général de la Compagnie internationale de logistique des grains. Les experts ont ainsi évalué « une augmentation de la consommation de 200 millions de tonnes, d'où la nécessité de renforcer la production céréalière de 60 % ».
L'accélération du changement climatique apparait aussi comme un des principaux défis à relever. Mark Rosegrant, directeur de l'unité de l'environnement et de la production de l'Ifpri (Institut de recherche international sur les politiques alimentaires), estime à plus de 11 % les pertes de rendements sur le maïs en 2050 et à plus de 37 % en 2080. Pour le blé, les estimations sont de -8 % en 2050 et -15 % en 2080. Le changement climatique va donc accentuer l'augmentation des prix qui est déjà prévue du fait des jeux de l'offre et de la demande mondiale. Pour contrecarrer ces conséquences, un investissement de 7,1 milliards de dollars par année est absolument nécessaire précise le chercheur.
Face à ce constat, Joseph Glauber, économiste au département américain à l'Agriculture, soutient « un renforcement des OGM, l'ouverture des marchés et la levée des politiques étatique de soutien aux agricultures nationales qui représentent une distorsion du marché ».
Le gouvernement chinois subventionne encore les agriculteurs familiaux « pour maintenir une production nationale de maïs », précise de son côté Jilong Feng. « Mais jusqu'à quand cela va-t-il durer ? », se demande-t-il. Il y a aussi une nécessité de transformer les petites exploitations en « grandes exploitations pour obtenir des économies d'échelle ». Moderniser les infrastructures de transport (voiries et installations portuaires) permettra aussi de renforcer le potentiel d'exportation et les marges des agriculteurs.
« Au Brésil, premier exportateur mondial de soja, 12 % seulement de 1,7 million de kilomètres de routes sont bitumés et la vitesse moyenne sur les voies ferrées n'est que de 25 km/h » précise Andy Duff, économiste à la Rabobank. Le pays a mis en place un plan de modernisation, à hauteur de 10 millions de dollars et ouvert aux investissements privés. Si ces projets se concrétisent, les coûts de logistique seront diminués de 20 %.
Ces réflexions appellent à une réforme des politiques publiques et renforcent l'engagement de l'agriculture vers un modèle productiviste dans un contexte où « les ressources se font de plus en plus rares », comme le rappelle Mark Rosegrant, de l'Ifpri. Est-il réellement possible de résoudre cette équation ? Ces objectifs de production laissent-il la place à une autre agriculture qui pourrait aussi répondre aux enjeux de sécurité alimentaire ?