« Boucherie pour rien » ou « urgence » ? L'abattage des bouquetins du Bargy (Haute-Savoie), malades de la brucellose, a donné lieu à de vifs échanges lundi au tribunal administratif de Grenoble. La justice rendra sa décision cette semaine.
Plusieurs associations de défense de l'environnement (Frapna, LPO, One Voice et Aspas) avaient saisi le tribunal d'un recours en référé, demandant la suspension de l'arrêté du 16 septembre du préfet de la Haute-Savoie. Cet arrêté autorise l'abattage de 200 à 300 bouquetins, c'est-à-dire la totalité des animaux du massif, à l'exception d'un noyau sain de 75 individus, préalablement identifiés. Environ 70 animaux ont déjà été abattus dans le cadre de cet arrêté, les 8 et 9 octobre.
Les associations sceptiques sur l'efficacité de l'abattage
40 % des bouquetins du Bargy sont atteints par la brucellose, une maladie transmissible aux bovins avec d'importantes conséquences économiques. « Il n'y a aucune certitude sur cet abattage total. Or, s'il n'est pas total, ce ne serait qu'une boucherie pour rien du tout. Car il ne suffit que de quelques survivants pour que la maladie persiste », a critiqué Me Benoît Candon, avocat des associations.
Dans un rapport publié en juillet, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) jugeait en effet « très optimiste » un abattage de 90 % de la population de bouquetins visée. « Mais monsieur le préfet a déjà montré dans le passé qu'il savait faire des boucheries pour rien », a ajouté Me Candon, en référence aux précédents abattages, qui n'ont pas éradiqué la maladie.
Le préfet Georges-François Leclerc, venu en personne défendre son arrêté, a insisté sur « l'urgence à agir » face « au caractère imprévisible d'une contamination » des vaches laitières du Bargy. « Il suffit qu'un élevage soit contaminé pour que toute la production de la coopérative soit arrêtée. C'est toute la filière du reblochon qui serait irrémédiablement affectée », a-t-il soutenu. En avril 2012, un cheptel laitier de la commune du Grand Bornand avait dû être euthanasié et deux autres placés en soixantaine. Deux enfants étaient tombés malades et des reblochons vendus dans toute la France avaient été détruits.
Le vaccin comme solution alternative
Mais, pour les associations, la campagne d'abattage risque surtout de disséminer la brucellose dans les massifs avoisinants. Car, lorsqu'il y a des tirs, « les animaux prennent peur, et, quand ils prennent peur, ils partent n'importe où », a estimé Me Candon. Un risque « théorique », a rétorqué le préfet. Quand il a peur, « le bouquetin, en général, il monte », a-t-il lancé.
« L'action est disproportionnée », a néanmoins estimé Me Candon. « Les dommages ne sont pas si graves et ne nécessitent pas de passer à une méthode aussi expéditive », a-t-il ajouté en plaidant en faveur de la vaccination des bouquetins, « qui marche très bien sur la chèvre », une espèce proche.
Le préfet s'est refusé à opter pour une telle option, en évoquant un « risque pour les agents qui administreront le vaccin » et « les nombreuses incertitudes sur la pertinence de la vaccination ». Il a enfin dénoncé les « manœuvres dilatoires, rumeurs et pressions » du camp adverse. « Je ne suis pas là pour être l'arbitre des élégances des uns ou des autres », lui a rappelé le juge François Garde. La décision sera rendue avant la fin de la semaine.