(article mis à jour vendredi 21 octobre 2011)
Le maintien d'une aide européenne aux plus démunis en Europe s'est heurté jeudi à l'opposition d'une minorité de blocage de six Etats (Allemagne, Suède, Royaume-Uni, Danemark, République tchèque et Pays-Bas), a constaté la présidence polonaise de l'UE en annonçant qu'elle allait continuer ses efforts pour trouver une solution.
« La présidence ne peut que noter qu'on n'a toujours pas de majorité qualifiée » en faveur du maintien de ce programme, mais « nous ne fermons pas pour autant le dossier », a déclaré, à l'issue d'un débat âpre avec ses homologues européens à Luxembourg, le ministre polonais de l'Agriculture, Marek Sawicki.
L'enjeu des négociations était d'éviter l'an prochain une réduction draconienne – de l'ordre de 80 % – de ces fonds à la suite d'un arrêt de la Cour européenne de justice. Actuellement, des centaines d'organisations caritatives profitent de ce programme doté de 480 millions d'euros, dans une vingtaine d'Etats.
Jeudi à Luxembourg, l'Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, le Danemark, la République tchèque et les Pays-Bas ont maintenu leur opposition à ce que les fonds, tirés du budget agricole, soient utilisés à des fins de politique sociale.
Si rien ne se passe, « en 2013 ce programme risque d'arrêter d'exister », a prévenu le commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos. « C'est une preuve d'égoïsme, dans une Union européenne où on a besoin de solidarité », a-t-il déploré, en estimant qu'on ne pouvait « pas laisser tomber » ce programme « du jour au lendemain » et couper des fonds dont profitent chaque année 18 millions de bénéficiaires.
« Les égoïsmes nationaux de six Etats l'ont emporté sur l'esprit de solidarité », a déploré le ministre français de l'Agriculture, Bruno Le Maire, tout en précisant que le combat allait « continuer », et en exprimant « la conviction » d'obtenir in fine gain de cause. Pour M. Le Maire, qui s'est dit « indigné », vendredi sur BFM TV, de ce qui s'était passé la veille à Luxembourg, il est « inacceptable qu'en pleine période de crise économique et sociale, l'Europe décide de couper les crédits pour l'aide aux plus démunis : ça n'a pas de sens et ce n'est tout simplement pas juste ».
Disant pouvoir « comprendre » que les Allemands ne souhaitent plus financer un programme « dont ils ne bénéficient pas », il a appelé ses partenaires à retrouver « l'esprit européen » pour que « chacun fasse un pas vers l'autre ». La France propose un « compromis », selon le ministre de l'Agriculture, consistant à « maintenir les crédits pour 2012 et 2013 jusqu'à la fin du budget européen ». « Et après, on remet les choses sur la table et on regarde comment on refonde le programme », a ajouté M. Le Maire.
La ministre allemande Ilse Aigner, que le ministre français a rencontrée à deux reprises lundi et mardi à Berlin, est restée sourde à ses arguments. « Nous ne voulons pas de politique sociale à l'échelle européenne », a-t-elle martelé mercredi. « Sur le principe, l'aide aux personnes dans le besoin est bien sûr importante, mais c'est le devoir des Etats. Nous la finançons en Allemagne entièrement avec notre budget national et nous pensons avoir raison », a-t-elle souligné.
« C'est un problème national qui doit être résolu à l'échelle nationale », a renchéri le Suédois Eskil Erlandsson. Le programme a fonctionné « à l'époque où nous avions des surplus de matières premières dont nous devions nous débarrasser, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui », a argué M. Erlandsson.
Dans une « lettre ouverte aux chefs d'Etat et de gouvernement européens », les Restos du Cœur, la Croix-Rouge française, la Fédération des banques alimentaires et le Secours populaire français évoquent une « décision incompréhensible pour l'opinion publique, habituée à un fonctionnement démocratique de la vie politique depuis des décennies ». C'est pour elles « le désaveu d'un des principes fondateurs de l'Europe, visant à assurer la sécurité et l'autosuffisance alimentaire de tous, et en particulier des plus démunis ».
« L'Europe ne peut pas laisser de côté » les millions d'Européens concernés par l'aide alimentaire et, « au-delà, les 80 millions de citoyens européens les plus fragiles : une catastrophe humanitaire est désormais à craindre sur notre continent », prédisent les associations.
Créé en 1987 dans le cadre de la Pac, le PEAD permet d'apporter une aide alimentaire à plus de 13 millions de personnes dans 19 des 27 Etats membres de l'Union européenne. En France, où le PEAD représente de 23 à 55 % des denrées collectées par les associations françaises, le budget devrait fondre à 15 millions d'euros, contre 78 millions précédemment. La Croix-Rouge estime que 130 millions des 440 millions de repas actuellement distribués ne pourraient plus l'être dès 2012.
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