Huit cadres et salariés anciens et actuels de Spanghero, entreprise de Castelnaudary (Aude), ont été interpellés mardi par les gendarmes chargés d'établir comment et par la faute de qui de la viande de cheval s'est retrouvée à la place de bœuf dans les assiettes de consommateurs européens.
Les huit personnes, interpellées pour un bon nombre dans l'Aude, ont été placées en garde à vue dans le cadre de l'information judiciaire ouverte en mars à Paris pour « tromperie simple et tromperie aggravée, faux et usage de faux », a-t-on appris de sources proches de l'enquête. Sept d'entre elles ne font plus partie du personnel de la société rebaptisée la Lauragaise, selon Laurent Spanghero, qui vient de reprendre l'entreprise qu'il avait fondée avec son frère en 1970 avant de la céder à la coopérative basque Lur Berri en 2009.
Les interpellés sont entendus par les gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) et de la section de recherches de Languedoc-Roussillon opérant sur commission rogatoire de deux juges d'instruction parisiens.
Une affaire de dimension européenne
Ce sont les premières interpellations connues dans cette affaire. Pour les gendarmes, il s'agit de savoir au cours de ces auditions quel rôle Spanghero et ses dirigeants ont joué dans un scandale aux ramifications européennes qui a mis en lumière certains agissements de l'industrie agroalimentaire et l'opacité de ses circuits d'approvisionnement.
Quand le scandale, parti de Grande-Bretagne et d'Irlande en février, a éclaté, le gouvernement a ouvertement accusé Spanghero d'avoir trompé ses clients en revendant sciemment pour du bœuf de la viande de cheval qui a ensuite servi à la préparation de millions de plats cuisinés comme des lasagnes, pour des marques comme Findus ou la grande distribution. Les dirigeants de l'entreprise de l'époque (ils ont changé depuis) ont toujours protesté de leur bonne foi et dit avoir été victimes des intermédiaires de la filière.
Le négoce de viande brute ne représentait qu'une part mineure de l'activité de Spanghero, spécialisée dans les viandes découpées ou préparées et dans les plats cuisinés. Mais la société, poids lourd local qui revendiquait 360 salariés avant l'affaire, ne s'en est jamais vraiment remise, même après avoir récupéré la plupart de ses agréments sanitaires frappés de suspension administrative. La révélation a posteriori (le 19 mars) que de la viande de mouton britannique prohibée avait été découverte dans l'entreprise a achevé de la mettre à genoux.
Ils « représentent le passé »
Spanghero a vu s'éloigner un à un ses clients jusqu'à s'arrêter à la fin juin. Mise en liquidation judiciaire, elle a été reprise par l'un de ses fondateurs, Laurent Spanghero, et deux partenaires. Ils se sont engagés à sauvegarder 90 emplois pendant au moins deux ans.
Sept des huit personnes interpellées mardi « ne sont plus chez nous et le huitième doit s'en aller dans le cadre d'un départ négocié. Ces gens représentent le passé, la justice fait son travail », a indiqué à l'AFP Laurent Spanghero, inquiet des retombées sur une société qui essaie de remonter la pente.
L'entreprise a repris le travail au début août sous son nouveau nom de La Lauragaise, l'ancien étant devenu trop lourd à porter. Fin août, ses dirigeants annonçaient que son activité plats cuisinés avait repris à hauteur de 50 % ; l'activité viande devait, elle, reconquérir sa clientèle. « C'est dur, mais on avance », a dit M. Spanghero. « Chaque jour, on monte une marche. L'activité viande va redémarrer dans dix jours et j'espère que, dans un mois et demi, cela ira ».