vendredi 03 septembre 2010 - 16h29
Dans le musée créé à Saugues, la magie de l'histoire fonctionne.
En bordure de route, sa sculpture en bois surplombe le bourg : fièrement campée, la bête du Gévaudan semble encore guetter les habitants de Saugues, dans la Haute-Loire !
Dans une petite ruelle, la traque se poursuit dans son musée (1). Scène d'enterrement : en tenue de deuil, une femme pleure. Autour d'une fontaine, trois femmes du pays évoquent l'attaque d'une enfant. La nouvelle a été transmise par le colporteur.
« Quel malheur, il ne nous manquait plus que cela », se lamente le petit peuple, la peur au ventre. Plus loin, une scène de chasse, avec les dragons envoyés par le roi. Mais la Bête court toujours…
La magie de l'histoire fonctionne : sans grands effets spéciaux ni dramatiques, le visiteur est saisi par cette force maléfique, cette « chose » qui décime uniquement les femmes et les enfants, gardiens de troupeaux…
« Quantité d'hypothèses, des plus sérieuses aux plus farfelues, ont été évoquées pour expliquer ces meurtres, observe Jean Richard, un ancien instituteur passionné par la bête de Gévaudan. On a parlé de loup, d'un animal préhistorique qui aurait survécu, de complots humains, voire de psychose collective. Deux ou trois nouveaux écrits sortent encore chaque année : BD, romans, policiers… Cela va du récit historique jusqu'à l'ésotérisme ! La Bête fascine car nul ne peut certifier ce qu'elle était. »
Jean Richard sait de quoi il parle : à sa manière, il s'est fait lui aussi « croquer » par elle ! Il s'est d'abord intéressé aux vieux outils, à la géologie du secteur…
« Mais peu à peu, la Bête a pris de plus en plus de place dans mes recherches », ajoute-t-il. Voilà donc maintenant trente ans que Jean Richard la « traque », cherchant et recoupant diverses sources entre les écrits de l'abbé Pourcher, les registres paroissiaux, les archives départementales, sans compter des milliers d'articles.
« Je me suis aperçu que certains morts étaient comptés trois fois. A ce jour, j'arrive à soixante-huit victimes sûres. La moitié d'entre elles vivaient sur le canton de Saugues. » Une partie de ses connaissances historiques ont d'ailleurs été éditées (2).
Quatre ans de travail
« Notre musée attire 15.000 visiteurs par an », informe la directrice, Blandine Gires. C'est son père, Lucien Gires, un artiste aujourd'hui décédé, qui a présidé à la création, entouré de quelques amis de l'association Macbet.
« Parfois, il se relevait pour réfléchir à sa conception durant la nuit, poursuit-elle. Ce musée nous a demandé quatre ans de travail. »
Pour créer les personnages, près d'un millier de morceaux ont été coulés en plâtre, démoulés, assemblés par Blandine. « Puis Lucien leur donnait leur position, sculptait leurs sabots, gravait avec son opinel la terreur, la suffisance sur leurs traits… raconte Jean Richard. Pour les décors, il est allé les voir sur place. Une couturière du Puy-en-Velay a travaillé sur les costumes. Les commentaires des paysans sont extraits de journaux d'époque. Tout a été pensé, dans le moindre détail. »
En juillet 2009, ce musée célébrait ses dix ans d'existence. Le salon du livre, qui était pour l'occasion consacré aux loups, y avait notamment attiré deux fans de la Bête, pointures du rap et du journalisme : DJ Keops (du groupe IAM) et Pierre Bonte.
Ce dernier, ancien animateur de l'émission radio, Bonjour Monsieur le maire, témoignait : « Ce matin, lorsque je prenais mon café dans un bar, l'atmosphère était extraordinaire : les gens d'ici parlent encore de la Bête comme s'il s'agissait d'un sujet d'actualité ! Aujourd'hui, son mystère fascine toujours. D'un malheur, elle se transforme en une chance inouïe de développement touristique pour le pays de Saugues. » Un sacré revirement de l'histoire !
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(1) Musée ouvert jusqu'au 15 septembre à Saugues, dans la Haute-Loire (groupes sur rendez-vous en hors saison). Tél.: 04.71.77.64.22. Site : www.musee-bete-gevaudan.com
(2) A lire : F. Fabre, La bête du Gévaudan, (complété par J. Richard), Editions De Borée.
par Chantal Beraud
(publié le 3 septembre 2010)
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