Dernier berger des collines du Rove, aux portes de Marseille, il est aussi chanteur.

Ses amis l'appellent Dédé. C'est aussi son nom d'artiste. André Gouiran est Marseillais (avec l'accent), et fier de l'être. Il porte en lui une forte identité communautaire, celle des chevriers du Rove. Dans son métier comme dans ses chansons, il revendique ses racines et son lien intime à la nature.

Jeune grand-père de cinquante ans, André vit avec sa famille dans ce petit village niché dans les collines de l'Estaque. Les Gouiran y seraient présents depuis le XIVe siècle. Cet ancien fief du pastoralisme comptait 4 000 chèvres pour 400 habitants en 1900. André Gouiran est aujourd'hui le dernier berger du Rove. Pas par résignation, mais par choix. « J'ai senti que j'avais une mission à accomplir, déclare-t-il. A vingt ans, je me suis mis à mon compte pour élever des chèvres du Rove. »

 « JE SUIS MON INSTINCT » 

 Cette race aux cornes torsadées est issue d'un croisement avec les chèvres de Mésopotamie, apportées à Marseille par les Phéniciens il y a plus de deux mille ans. Pourtant, elles ne produisent que très peu de lait - trois quarts de litre par jour pendant neuf mois - et exigent une vie au grand air, non en stabulation. « J'aime me dépasser, poursuit André. Je crois que seule la difficulté révèle la valeur de l'homme. Je n'aurais pas pu salir la mémoire de mes ancêtres et de mon grand-père qui a beaucoup compté pour moi. Je me sens responsable en tant que descendant de ces générations de bergers qui ont fait le pastoralisme au Rove. »

Aidé par ses fils, André Gouiran perpétue et défend magistralement une tradition. Les fromages et la fameuse brousse du Rove que son épouse Marie-Ange prépare sont à la carte des tables étoilées de Marseille, d'Aix et de Cassis. Il s'inscrit aussi dans la lignée des pastres artistes. Un soir d'hiver, après une promenade aux Baux-de-Provence, il écrit de façon automatique. « Je me sentais en communion avec les pierres et leur histoire. Comme si les anciens me tiraient par la manche et m'appelaient à raconter l'authenticité et la valeur de mon pays. » Sa rencontre avec le musicien Bruno Montialoux est déterminante. André s'essaie à la guitare, mais il reconnaît ne pas être fait pour en jouer.

Bruno apprécie le personnage et ses écrits. Il lui compose des arrangements qu'ils enregistrent ensemble dans son studio de Saint-Maximin. André avoue que les paroles lui viennent spontanément, parfois quand il fait paître son troupeau. « J'écris rapidement, sinon c'est foutu. Je suis mon instinct, je ne triche pas. Ce sont les tripes qui parlent. Parfois, avec le recul, je regrette. Mais tant pis, c'était juste à ce moment-là. Je ne peux pas me renier. »

Il y a dans ses textes de la provocation, parfois de la colère - il se dit rebelle -, de la tendresse et de l'humour. « Il ne faut pas tout prendre au premier degré », prévient-il.Tiré l'an dernier à mille exemplaires, le CD Parole de berger s'est bien vendu. Le duo prépare pour la rentrée un second disque et cherche un distributeur. L'hiver prochain, quand ses chèvres seront pleines et qu'il n'y aura plus de traite, André se produira peut-être en concert.

Pour aller plus loin :

Mon pays de Provence - André Gouiran

• Ou visualisez ses chansons sur le site Dailymotion.

par Alexie Valois