Aux origines du vrai savon de Marseille

Ils s'appelaient « La Rose », « Le Sapin », « Le Livre », « La Planète », « L'Abeille », « Le Chat »...

Chaque foyer français avait sa marque préférée, transmise de génération en génération. Nul ne pouvait imaginer s'en passer.

On les achetait par kilos. A l'ère des gels douches et des lessives liquides à base de produits de synthèse, l'indispensable savon de Marseille est pour beaucoup un lointain souvenir.

Pour d'autres, il constitue une valeur sûre, au parfum d'authenticité.

La recette n'est pas nouvelle. Au XIV^e siècle, les premiers savonniers de Provence pratiquaient déjà la saponification à base d'huile d'olive, de cendres et de sel de Camargue.

Et parce que Marseille devint rapidement leur capitale, sous Louis XIV, Colbert passa un édit limitant l'utilisation du nom « savon de Marseille » aux savons fabriqués à l'huile d'olive, dans le bassin originel, aujourd'hui les Bouches-du-Rhône.

Sans doute l'édit fut oublié et le nom, tombé dans le domaine public, fut largement galvaudé.

« On ne compte plus sur le marché les savons dits de Marseille fabriqués sans huile d'olive ou avec des graisses animales », regrette Julie Bousquet-Fabre, présidente de la toute nouvelle Union des professionnels du savon de Marseille.

L'arrière-petite-fille du savonnier Marius Fabre a repris, avec sa sœur Marie et à la suite de ses parents, l'entreprise familiale de Salon-de-Provence. Elle y a même créé un musée et l'on peut visiter toute l'année la fabrique.

Une délicieuse odeur y plane. Ici, depuis 1900, le procédé marseillais est scrupuleusement respecté : dix jours durant, dans d'immenses chaudrons, cuisent à 120°C les huiles d'olive, de coprah et de palme, mélangées à la soude.

La pâte sombre est rincée plusieurs fois à l'eau salée et enfin à l'eau douce. Ainsi purifiée, elle est versée, encore chaude, dans des « mises ». Refroidie, on la découpe en cubes tendres qui sont marqués et mis à sécher.

Marseille n'a plus que trois savonneries. La ville en comptait des dizaines, il y a un siècle. « Nous sommes les derniers à fabriquer du véritable savon de Marseille et à sauvegarder cette tradition », défend Julie Bousquet-Fabre, dont la savonnerie a été labellisée Entreprise du patrimoine vivant par le ministère de l'Economie.

Français et étrangers, les consommateurs reviennent vers ce produit naturel, biodégradable et durable, tant qu'il reste au sec.

Alexie Valois

(publié le 6 juillet 2012)