En France, après deux années de progression forte en 2010 et 2011, le résultat net par actif en termes réels augmente de 5,4 % en 2012, a indiqué mercredi l'Insee. Les réactions des syndicats sont contrastées.
Pour la Coordination rurale, c'est « de l'optimisme qui sonne faux ! ». « Le revenu agricole en 2012 aurait atteint un sommet jusqu'alors inconnu. De ce point de vue, la poursuite avérée de la disparition des exploitations agricoles est un mystère sur lequel est maintenu le voile », commente la Coordination rurale (CR), qui « souhaite apporter son éclairage du terrain ».
« Certes, le résultat des céréaliers est bon en 2012, mais son instabilité rend l'avenir très incertain : hausse du prix des intrants (phytos, engrais, énergie, etc.), attaque pour faire chuter les prix des grains via des rapports fantaisistes, baisse des rendements, diminution des aides de la Pac, nouvelles cotisations volontaires... mais obligatoires, etc. »
« Les éleveurs, étranglés par leurs coûts alimentaires, ne voient pas se concrétiser la vente directe entre céréaliers et éleveurs au sein de la loi d'avenir. Les producteurs laitiers attendent de connaître les suites de la peudso-hausse de prix, qui serait plutôt une vraie avance à rembourser. Les éleveurs porcins, quant à eux, ne sont pas certains que leur revenu, annoncé en nette hausse, soit suffisant pour réaliser leurs mises aux normes. »
Pour la Confédération paysanne, les comptes provisoires de l'agriculture pour 2012 publiés mercredi montrent « une accélération des disparités : de 16.500 euros par actif en moyenne pour les élevages de petits ruminants à 85.300 euros dans les fermes en grandes cultures, qui battent du même coup un record historique ».
« Globalement, malgré la baisse constante du nombre d'éleveurs, l'élevage hors granivores se porte de plus en plus mal avec, par exemple, des revenus de 17.100 euros en bovins à viande. Par ailleurs, la baisse du prix du lait, conjuguée au prix élevé des céréales et aux disparités dans la répartition des aides, a encore fait baisser les revenus des éleveurs en bovins laitiers (24.700 euros par actif). Sauver l'élevage ne peut plus être une simple priorité des discours politiques. Elle doit l'être dans les actes. »
« Aujourd'hui, le ministre de l'Agriculture a un levier majeur entre les mains : la politique agricole commune de demain va se décider dans ses bureaux. Il a les moyens et le pouvoir de redistribuer les aides ! On ne peut plus laisser des paysans abandonner leurs fermes les uns après les autres. Aucun prétexte de croissance, de concurrence ou autre ne doit venir justifier la disparition des uns au profit des autres. »
« Sans prix, pas de paysans » (Modef)
« Les données sur le revenu agricole 2012 [...] laissent apparaître de fortes disparités de revenu entre les agriculteurs suivant la taille des exploitations, les types de productions et les régions », souligne le Modef dans un communiqué.
« Si les grosses exploitations en grandes cultures profitent d'une conjoncture favorable, il n'en va pas de même pour les exploitations d'élevage qui souffrent d'un niveau élevé des coûts et charges non compensés par l'évolution des prix. En effet, la baisse des prix du lait en 2012 et la stagnation du prix de la viande à la production ont mis dans de très grandes difficultés les éleveurs au point que nombre d'entre eux ont "mis" la clé sous la porte ou se reconvertissent dans les grandes cultures. »
« La viticulture, hors secteur du champagne, du cognac et des grands châteaux, n'est pas mieux lotie et souffre elle aussi de prix insuffisants, mettant en cause l'avenir des principales régions de production. »
« Dans ces secteurs en difficulté, les petites et moyennes exploitations voient leur avenir bouché par un système qui privilégie l'agrandissement et les productions de masse. Derrière ces exploitations, il y a des femmes et des hommes qui souffrent, des jeunes qui hésitent à s'installer faute de pouvoir dégager un revenu suffisant, des territoires qui se vident de leurs principaux acteurs économiques », déplore le Modef.
L'AGPB (Association des producteurs de blé) estime que pour les agriculteurs spécialisés en production de céréales et oléoprotéagineux, les chiffres de la Commission des comptes de l'agriculture de la Nation « confirment les calculs prévisionnels de décembre 2012, qui reflétaient la hausse importante des prix des grains l'année passée. Cette hausse ayant été totalement effacée depuis lors (-25 % depuis novembre pour le blé, -28 % pour le maïs), il est d'ores et déjà prévisible que le revenu en céréales et oléoprotéagineux pour 2013 sera beaucoup plus proche de la moyenne toutes exploitations, d'autant plus que la conjoncture semble évoluer plus favorablement pour certaines filières animales. Ainsi le veut la volatilité qui dicte maintenant sa loi sur les marchés des produits agricoles ».
« Ces évolutions doivent inciter nos pouvoirs publics à décider d'une utilisation mesurée des marges nationales de redistribution intersectorielle des crédits de la Pac qu'ils ont obtenues à la fin de juin à Luxembourg, invoquant notamment la hausse des prix des céréales. Il n'est pas de l'intérêt de la France d'exposer son secteur céréalier à d'insurmontables distorsions de concurrence face à ses rivaux européens, notamment allemands. Ce l'est d'autant moins qu'une ample redistribution nationale des crédits de la Pac à son détriment ne saurait être une solution pertinente, en économie agricole ouverte, pour traiter les problèmes structurels que connaissent d'autres secteurs. »
« Encore et toujours au plus bas des revenus » (FNB)
« Les comptes de l'agriculture [...] attestent d'une réalité : les producteurs spécialisés bovins à viande sont encore et toujours au plus bas des revenus en France », souligne la Fédération nationale bovine (FNB) dans un communiqué.
« Avec 17.000 euros par an pour 2012, le revenu en bovins à viande est à moins de la moitié du revenu agricole qui s'établit à 38.300 euros. Le différentiel est considérable et d'autant plus insupportable que les éleveurs supportent des conditions de travail parmi les plus lourdes et des contraintes réglementaires les plus pénalisantes. Ils ont de plus pourtant déjà fait des efforts massifs de gain de productivité (+40 % en dix ans). »
« La situation est également insupportable car elle perdure depuis des années. Sur les trois dernières années 2010 à 2012, le revenu de l'élevage de bovins à viande est à 16.800 euros quand la moyenne agricole atteint 35.000 euros. »
« Pour 2013, rien ne permet de supposer à ce stade une réelle amélioration : les charges ont encore continué à progresser (+4 % sur l'indice Ipampa suivi par l'Institut de l'élevage, et avec un indice de coût d'alimentation à 157 % de sa valeur de référence) alors que les cours des bovins maigres sont inférieurs à 2012 sur les six premiers mois, et les cours des jeunes bovins en hausse d'à peine 2 à 3 %. »
« La revalorisation des prix des bovins est incontournable si la filière veut assurer le maintien de la production demain. »
« Et les pouvoirs publics et les élus politiques n'ont d'autre choix que d'orienter prioritairement les aides de la future Pac vers l'élevage de bovins à viande, pour une revalorisation effective et conséquente des soutiens par exploitation. Les éleveurs attendent des actes à court terme ! », conclut le communiqué.
« Hausse du revenu sur fond de disparité dans les territoires » (APCA)
« Le revenu moyen progresse de 9,4 % entre 2011 et 2012. Mais tous les secteurs de production agricole n'ont pas connu la même dynamique », soulignent les chambres d'agriculture (APCA) dans un communiqué.
« La hausse du prix des céréales sur les marchés mondiaux a eu des effets bénéfiques pour les producteurs de céréales dont les revenus augmentent nettement en 2012. »
« Cette hausse des cours mondiaux des céréales s'est naturellement traduite par une forte augmentation du prix de l'alimentation animale. En conséquence, les éleveurs de bovins et d'ovins n'ont pas pu répercuter cette hausse dans les prix de leurs propres productions et leurs revenus ont été lourdement affectés. Quant aux éleveurs de volailles et de porcs, la croissance relative de leurs prix à la production a pu permettre, dans une certaine mesure, l'amortissement des coûts de production. »
« Ces évolutions sectorielles ont eu un impact territorial fort avec des revenus en baisse dans les départements d'élevages bovins et ovins. »
« L'économie française dans son ensemble est peu performante sur les marchés extérieurs. L'excédent structurel du commerce agroalimentaire est d'autant plus remarquable. En 2012, les exportations agricoles restent tirées par les céréales très présentes sur les marchés mondiaux en raison de la baisse de l'offre américaine et par les vins toujours en progression », observe l'APCA.
A télécharger :
- L'analyse économique de l'APCA, parue dans Perspectives et analyses, juillet 2013, n° 1307