Aux confins de la Savoie et de l'Isère, au sommet du col du Glandon, les maires de six communes (1) ont organisé le samedi 22 août 2015 les « Rencontres de la Montagne, pour une montagne vivante et une gestion territorialisée du loup ». Pour la deuxième année consécutive, ces maires réunissaient des élus, professionnels du tourisme, agriculteurs et représentants d'organisations agricoles pour débattre de la prédation et rédiger une nouvelle motion. Celle envoyée l'année dernière aux ministres de l'Agriculture et de l'Ecologie demandait, entre autres, le déclassement du statut du loup dans les textes européens.
« Plus de 400 maires ont signé la motion de l'année dernière, souligne Pierre-Yves Bonnivard, le maire de Saint-Colomban-des-Villards, en Savoie. Mais nous devons continuer le travail. Quand on remet en cause l'activité des éleveurs, on remet en cause l'aménagement du territoire et on remet en cause la vie dans nos espaces. »
En un an, les élus constatent que la pression sur les troupeaux s'est encore amplifiée. « Tous les éleveurs sur nos communes sont touchés, ajoute Pierre-Yves Bonnivard. Il y a trois semaines un patou s'est battu avec un loup sur une zone très touristique en pleine journée. » Situation comparable dans les Alpes du Sud. De nombreux maires et professionnels du tourisme font le constat que la pression sur les troupeaux est intenable.
Pour Laurent Garde du Cerpam (2), la situation continue de se dégrader, dans les Alpes du Sud notamment où les dégâts ont encore explosé. Un comportement de fraternisation avec les patous est même constaté dans certains secteurs.
« Les dispositifs de protection des troupeaux les plus élaborés ont été dévalués en peu d'années », a rappelé Michel Meuret intervenant au titre des 34 scientifiques signataires de « Loups : plaidoyer pour des écosystèmes non désertés par les bergers » paru dans le quotidien Libération du 12 octobre 2014. « La stratégie européenne de coexistence a échoué et elle doit être remise en question, ajoute-t-il. Une véritable gestion s'impose selon nous scientifiques. Pour être efficaces les prélèvements doivent être prompts et préférentiellement ciblés sur des individus, couples, ou meutes qui posent des problèmes aux activités humaines. Mais en France, il est bien tard. Les loups ont déjà acquis vingt ans de mauvaises habitudes. »
« Il est toujours bien difficile de réaliser les prélèvements »
La prédation pose également des problèmes pour les chasseurs. Si le gibier disparaît, le nombre de permis de chasser délivrés va diminuer, et cela posera des questions pour les indemnisations des dégâts dû au gibier, a signalé l'un d'entre eux. L'ensemble des acteurs du territoire sont touchés.
« Et il est toujours bien difficile de réaliser les prélèvements », indique Joël Mazalaigue, vice-président de la fédération départementale des chasseurs de la Drôme. En 2014, 540 battues ont eu lieu sur 49 communes, 7 loups ont été tués. Le concours des chasseurs est venu s'ajouter à la boîte à outils mais cela ne peut suffire. Ces chiffres démontrent la difficulté à réaliser ces prélèvements et semblent dérisoires aux éleveurs face à la gravité des pertes. »
Les chasseurs proposent que le piégeage soit mis en place pour améliorer le nombre de prélèvements avec euthanasie des loups capturés. « Le piégeage est facile à utiliser en tout milieu, mais encore plus performant en milieu boisé ou embroussaillé où les passages des loups sont repérables. Il permet de cibler le lieu de prélèvement à la suite d'attaques. Il évite la mobilisation des tireurs réduisant ainsi le coût des opérations. »
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(1) Saint-Colomban-des-Villards, Saint-Alban-des-Villards, Allemont, Vaujarny, Saint-Sorlin-d'Arves et Saint-Jean-d'Arves.
(2) Laurent Garde est l'auteur de « Le grand retour des loups dans nos paysages et nos imaginaires », disponible aux éditions Le Dauphiné. Le Cerpam est le Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée pour la gestion des espaces naturels par l'élevage.