Les pays européens, en pleine réflexion pour définir des «critères durables» pour encadrer la fabrication des biocarburants, envisagent de limiter leurs importations aux pays respectant une dizaine de conventions internationales sur le climat et le travail.
L'une des options envisagées par un groupe de travail de représentants des 27 consisterait à n'accepter que les biocarburants de pays ayant ratifié «au moins dix» traités internationaux d'une liste de douze, selon un document de travail provisoire.
Quatre traités (y compris le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de carbone) portent sur le climat et huit autres sur le droit du travail (non-exploitation des enfants, liberté syndicale, etc.) Cette option exclurait "de facto" des pays non signataires comme les Etats-Unis. D'où un ajout récent: dans des cas «exceptionnels», si un pays n'a pas ratifié ces traités, il pourra fournir des informations montrant qu'il applique les mêmes normes.
Une autre piste prévoit d'obliger l'industrie à respecter toute une série de critères sur la pollution de l'air et de l'eau, le maintien de la qualité des sols, la consultation de la population locale, les conditions de travail.
«Pourquoi devrions-nous introduire des obligations sociales pour les producteurs de biocarburants à base de canne à sucre, mais pas pour ceux qui exportent simplement de la canne à sucre?», s'interroge toutefois le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson, dans une tribune parue mardi dans le Guardian.
Il a également appelé les Européens à ne pas privilégier leur agriculture au détriment de l'environnement. «Si nous pouvons importer des Tropiques des biocarburants moins chers et plus verts (comme la canne à sucre), répondant à des critères durables, nous devons le faire.»
Dans le même temps, il a admis que les biocarburants américains à base de maïs, fortement subventionnés, pourraient être «l'un des facteurs» de la hausse des prix alimentaires mondiaux. La production européenne de biocarburants, 2% des cultures, n'a en revanche qu'un «effet minimal».
Les pays de l'UE se sont fixés un objectif contraignant d'utiliser 10% de biocarburants dans leur consommation totale de carburants d'ici à 2020, une ambition de plus en plus contestée face à l'envolée des prix et les récentes émeutes de la faim.
Seules les productions respectant des critères durables précis devront être comptabilisées par les Européens.
Le groupe de travail des pays membres doit présenter ses travaux le 7 mai 2008 aux ambassadeurs des pays de l'UE. Mais face à la complexité du dossier, il devrait être prolongé jusqu'à la fin du mois, indique l'eurodéputé des Verts Claude Turmes, rapporteur du dossier au Parlement.
Pour cet expert en énergie, «la responsabilité doit se trouver au niveau des entrepreneurs», et non au niveau des gouvernements prompts à autoriser n'importe quel investissement. Des pays comme l'Indonésie ou le Brésil ont certes signé beaucoup de conventions internationales sur le travail, sans forcément les appliquer, note-t-il.
Il se montre également mécontent des «critères politiques et non scientifiques» utilisés par Bruxelles pour déterminer quels biocarburants fabriqués dans l'UE sont suffisamment verts. La barre actuelle est trop basse et n'incite pas une industrie pourtant subventionnée à utiliser les procédés les plus écologiques, regrette-t-il.