Un troubadour de notre temps

« Je suis un balochard, un marchand de bonheur, annonce d'emblée Serge. En une chanson, on a la faculté de faire passer une personne d'un état de tristesse à un sourire, une rigolade. »

Serge Conjad vit toujours sur l'exploitation de ses parents, à Saint-Martin-Sepert, en Corrèze. Des racines indispensables à sa création artistique et qui lui assurent un bon équilibre avec les fins de semaine passées sur les routes. Gamin, il donnait des coups de main à ses parents.

Aujourd'hui, à la quarantaine, cela lui arrive encore, mais il sait qu'il ne reprendra pas la ferme. Etre musicien de bal populaire a gommé sa réserve naturelle. « Sur scène, je ne te reconnais pas », lui a avoué un jour son père.

A huit ans, grâce à sa grand-mère, amie avec la femme de Max Daumont, il apprend le solfège auprès de ce troubadour du célèbre accordéoniste corrézien Jean Ségurel. Puis, Max lui présente François Martini, originaire comme Ségurel de Chaumeil, « La Mecque de l'accordéon », s'amuse Serge.

Celui-ci lui enseigne cet instrument et le répertoire du folklore régional. Au lycée, alors qu'il s'ennuie la semaine en internat, le week-end, Serge accompagne des musiciens locaux qui lui transmettent leur flamme et leur savoir. Avec eux, il découvre la liberté.

Transmettre une culture

« J'ai attrapé le virus à ce moment-là et il ne m'a plus lâché !, déclare-t-il. La première fois que je suis monté sur les planches, j'ai joué Lou Turlututu. C'était dans la salle des fêtes de mon village, lors d'un dîner de chasseurs. »

Pendant que les autres ados fréquentent les boîtes de nuit, Serge anime mariages et repas dansants avec une bande d'amis, tous issus du canton de Lubersac : c'est la naissance du groupe Loup Parça, en 1987.

Le jeune homme passe un bac agricole, puis un BTS, car l'accordéon n'est pas reconnu au conservatoire. « Ma mère voulait que je fasse ce qui me plaisait. Pour mon père, cela n'a pas toujours été évident. Pendant qu'il était dehors, je m'enfermais dans une pièce avec l'accordéon. » A vingt-six ans, déjà reconnu, Serge devient intermittent du spectacle.

Depuis, il transmet sa passion de village en village et à travers ses disques, dont il compose les chansons inspirées par le folklore, mais aussi par la vie quotidienne, avec une bonne dose d'humour.

L'été, sur les marchés, il fait découvrir ce patrimoine à des vacanciers, Parisiens, Anglais ou Néerlandais... qui en redemandent ! Raphaëlle Saint-Pierre

Une ou deux fois par an, lorsque Serge doit jouer loin de chez lui, son père le conduit. Là, les rôles s'inversent : en concert, c'est lui le patron.

Raphaëlle Saint-Pierre

(publié le 16 mars 2012)