Mélodies dans la chèvrerie

Harmonies et arpèges vibrent à nouveau à la ferme Honnoré. Jérémie, le cadet, 30 ans, rentre de San Sebastian (Espagne).

Après une formation à Paris, il vient de terminer un cursus de quatre ans au Centre supérieur de musique du Pays basque, Musikéné.

Entre un concert à Madrid et une série de prestations dans la région parisienne, il se pose chez ses parents, Martine et Bernard, chevriers à Lançon-Provence (Bouches-du-Rhône).

Ensemble, ils préparent le troisième festival de musique de chambre et l'arrivée, chez eux, de sept jeunes musiciens issus d'établissements supérieurs de musique de toute l'Europe.

Martine est l'active présidente de l'association « Les Chèvres musicales », qui organise « Musique à la ferme ». « Nous avons toujours respecté sa passion », livre-t-elle avec humilité.

Mélomanes mais pas musiciens, les parents de Jérémie ont soutenu et encouragé leur fils. Il découvre le piano à 7 ans en regardant à la télévision des enfants s'appliquer au clavier. Il débute à l'école de musique du village.

« Le déclic s'est produit quand j'avais 12 ans. L'été, je partais peu en vacances. Pour m'occuper, je suivais des cours particuliers. Je me souviens avoir joué la valse en la mineur de Chopin et rien n'allait. La prof m'a permis de corriger mes défauts. J'ai découvert ce que sont la musique et toutes ses nuances. »

Par la suite, il intègre le conservatoire de Salon-de-Provence, puis celui d'Aix-en-Provence. A 16 ans, le piano devient toute sa vie.

Chèvres au premier rang

Après un clavier et un piano droit, ses parents lui offrent son premier piano à queue, « une reconnaissance ». Au conservatoire, Jérémie se frotte à la rigueur de l'enseignement, au trac, « un élément motivant », aux heures passées sur une seule ligne de partition, « cela renforce le caractère ».

« En période d'examen musical, j'invitais des amis à venir répéter à la ferme. Les concerts sont venus naturellement. » Trois ou quatre fois au cours de l'été, Jérémie donnait un récital avec une chanteuse, dans la salle de musique à l'étage de la maison familiale. « Mais on ne pouvait pas accueillir plus de trente personnes. »

En 2008, la famille Honnoré voit plus grand. La grange se transforme en salle de concert. Pendant trois jours, six personnes la vident et la nettoient.

« Pour la première édition du festival, nous ne savions pas comment sonneraient les instruments dans la grange, comment les chèvres se comporteraient. Imaginez, si les cinquante chèvres s'étaient mises à bêler pendant les concerts… Tout s'est bien passé, le son était bon. Nous avons accueilli cent quatre-vingts personnes chaque soir », explique Martine. Le succès est là.

En 2009, la grange est pleine, ils refusent des entrées. L'essentiel pour Jérémie et ses parents est de partager des émotions musicales avec un public non averti.

« Nos auditeurs aiment la simplicité et découvrent la musique classique loin des grandes salles. » Ils rentrent chez eux avec des étoiles dans les yeux…

Jérémie ne reprendra pas la ferme de ses parents. Mais il la métamorphose en un haut lieu de création artistique. C'est sa façon à lui de leur succéder.

Pour aller plus loin :

• En vidéo : regardez la transformation de la grange. 

http://www.dailymotion.com/video/x661y4_ les-chevres-musicales-introduction_music

• Le groupe « Musique à la ferme » sur facebook

• Le site internet officiel de « Musique à la ferme »

Alexie Valois

(publié le 9 juillet 2010)