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Article 3 :

Viande bovine : la marge au cœur des contrats

Avec la loi de modernisation et la réforme de la Pac en toile de fond, la profession propose un contrat tripartite pour sécuriser les marges des producteurs de jeunes bovins, génisses et bœufs.

A la fin d'août 2009, face à la baisse des cours des gros bovins et à l’émergence de Bigard-Socopa, la Fédération nationale bovine (FNB) haussait le ton. Elle menaçait de s’immiscer sur le terrain économique, celui du regroupement de l’offre, observant que les outils coopératifs participaient aussi à la chute des prix. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. La FNB a travaillé avec Coop de France sur un projet de contrat tripartite entre l’éleveur, son organisation de producteurs, et l’abatteur.

« Pour sécuriser la marge du producteur, nous proposons de calculer le coût pour conduire un broutard de 300 kg à 700 kg, explique Guy Hermouët, premier vice-président de la FNB. Puis de l’ajouter au prix d’achat du maigre. Pour un taurillon charolais vendu 425 kg de carcasse, nous arrivons à 3,70 €/kg. Il reste à faire varier ce coût de production en fonction de la conjoncture. »

La FNB propose un dispositif à étages. Quand le prix de marché varie entre 3,60 et 3,80 €/kg, personne n’intervient. Au-delà de 3,80 €/kg, l’industriel continue de payer 3,80 €/kg, car quand le prix tombe entre 3,40 et 3,60 €/kg, il met la main à la poche pour verser 3,60 €/kg à l’éleveur. En dessous de 3,60 €/kg et jusqu’à une borne qui reste à fixer, une caisse de sécurité prend le relais.

« Cette caisse serait approvisionnée par les éleveurs à hauteur de 0,05 €/kg et par les pouvoirs publics, reprend Guy Hermouët. Sous réserve d’une participation de l’État identique aux producteurs, nous arriverions à 120 millions d’euros sur cinq ans », la durée du contrat.

Pour cela, encore faut-il trouver le cadre juridique pour cette caisse. La réforme de la Pac ouvre des pistes. « Mais c’est une caisse de marché, pas de crise, prévient Guy Hermouët. Elle ne doit pas remplacer la puissance publique en cas de crise longue. »

Qui dit contrat dit prix, mais aussi volume. La FNB voudrait contractualiser 30 % de la production de jeunes bovins, génisses et bœufs, avant d’attaquer le créneau des réformes.

« La contractualisation est une bonne idée, à condition de partir des besoins des industriels, reprend Philippe Dagorne, président de la section bovine de l’Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne. Mais cela restera limité à une partie du marché. Les organisations de producteurs sont les mieux placées pour avoir cette discussion avec les abatteurs. Charge à eux ensuite de s’assurer de la production d’animaux collant en quantité et en qualité aux besoins exprimés. »

 

Pas d’opposition de principe

Du côté des abatteurs, la perspective d’assurer une part minimale de l’approvisionnement des outils séduit. « Mais il y a un préalable, prévient Nicolas Douzain, directeur de la Fédération nationale de l’industrie et des commerces en gros des viandes (FNICGV).

Que les opérateurs ne soient pas obligés de s’engager pour la totalité de leurs approvisionnements. Sinon, nous risquons de nous retrouver dans une bulle en dehors de l’économie de marché. Et ça, il n’en est pas question.

Le cadre de 30 % proposé par la FNB nous convient pour discuter et soutenir la contractualisation. Mais toute peine mérite salaire, et nous devrons discuter des besoins des uns et des autres. »

Le débat est encore à venir. « Cela va plus loin que la relation entre éleveur et abatteur, insiste Pierre Halliez, directeur du SNIV-SNCP, les entreprises françaises des viandes. Les relations avec la distribution restent aussi à inscrire dans le temps. »

Les contrats avec l’amont, le SNIV-SNCP les a mis en avant lors de son assemblée générale en 2008. « La logique économique doit tendre vers cela, reprend-il. Nous croyons plus aux réalités du terrain qu’à une règle parisienne quelle que soit son origine. Mais cela nécessite des références de prix, des cotations... La solidité de la relation contractuelle tient plus à la façon dont les opérateurs économiques la feront vivre sur le terrain. »

Et donc de leur capacité à résister à la tentation de mettre un coup de canif dans le contrat pour 10 centimes par kilogramme.

Un autre point tient à cœur aux abatteurs : celui des réformes, tant laitières qu’allaitantes. La FNICGV voudrait mener de front le dossier avec celui des jeunes bovins. Mais, dans le cas des vaches laitières, le défi s’annonce de taille. Car la vente des réformes dépend avant tout de la conjoncture laitière.

 

Témoignages : CLAUDE et CHRISTOPHE DURAND, à Freigné, dans le Maine-et-Loire

« Tout ce qui peut nous apporter de la sécurité nous intéresse »

« Nous avons signé notre contrat "jeunes bovins" avec Ter’elevage à la fin de 2006. Nous avions construit une stabulation neuve aux vaches laitières pour la mise aux normes. »

Les deux frères cherchaient à conforter l’assise économique de leurs 125 ha, avec 320.000 litres de lait. « Nous produisions déjà une cinquantaine de taurillons par an, poursuit Claude. Il nous a semblé logique de continuer dans cette voie. » Ter’elevage proposait des contrats de cinq ans aux nouveaux investisseurs.

Les crises de 1996 et 2001 avaient marqué les mémoires. « Les jeunes bovins se négociaient au prix des broutards, se souvient Claude. Le contrat était un élément rassurant. Nous avons agrandi un bâtiment pour vendre 210 animaux finis par an. » La mélangeuse était déjà présente sur l’exploitation. Les deux associés ont dû implanter 12 ha de maïs supplémentaires et acheter 120 t de paille par an, ainsi que le concentré correspondant aux places supplémentaires.

La contrepartie : produire des animaux de 380 à 450 kg, âgés de moins de 20 mois, et classés E, U ou R. « Le bilan est positif, reconnaissent Claude et Christophe. Nous avons sollicité la caisse de sécurité dès 2007 à hauteur de 12.900 euros. Les broutards valaient 1.000 euros, et les animaux finis s’écoulaient à 2,70 €/kg. Grâce au contrat, nous avions un prix garanti de 3,59 €/kg. » Puis les broutards ont baissé, tandis que les céréales flambaient et le prix garanti est resté à 3,55 €/kg.

« Il est calculé à l’arrivée des broutards, détaille Jean-Jacques Bertron, responsable technique à Ter’elevage, le groupement de producteurs de Terrena. Il dépend de leur cours. Il est aussi fonction des frais d’élevage, des charges d’alimentation et de structure qui sont forfaitisés. »

À la sortie du lot, si le prix garanti est inférieur à celui du marché, la différence tombe dans une caisse. Dans le cas inverse, la caisse fait la soudure. « Nous gérons une caisse par élevage, insiste Jean-Jacques Bertron. Au début du contrat, elle est vide, mais il est possible d’y piocher dès le premier lot. Son solde devient alors négatif. Il y a un plancher calculé en fonction de l’investissement : 400 euros par place pour une stabulation neuve où chaque place coûterait 900 euros. C’est 100 euros pour un aménagement de l’existant qui aurait coûté 200 € par place. »

En fin de contrat, lorsque l’éleveur a respecté ses engagements, si le solde de la caisse est négatif, il est effacé. S’il est positif, il est reversé au producteur.

« Le contrat sur cinq ans, c’est bien, reprend Christophe. Mais nous amortissons le bâtiment sur quinze ans. » Alors, quand la coopérative leur parle de contrat JB SPOT pour la suite, ils ne disent pas non. « Tout ce qui peut nous apporter de la sécurité nous intéresse, assure Christophe. Nous avons aussi besoin d’une meilleure répartition de la marge dans la filière. »

« En 2010, nous proposons des contrats sur dix ans, complète Jean-Jacques Bertron. Notre objectif est de mettre le pied à l’étrier de nouveaux engraisseurs pour remplacer ceux qui partent à la retraite. Cela rassure également les banques qui hésitent moins à soutenir les projets. »

Pour y accéder, il faut produire au moins 100 taurillons par an et augmenter sa capacité d’au moins 50 places. Seules ces places font l’objet du contrat. La coopérative a ainsi créé 5.000 places entre la fin de 2006 et la fin de 2009. Et 2.500 sont en projet.

 

par Eric Roussel

(publié le 29 janvier 2009)



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