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Le pari osé de 20% des surfaces

Pour couvrir les besoins, un plan de dé veloppement de l’agriculture biologique a été mis en place. Objectif: tripler les surfaces d’ici à 2013 en faisant en sorte qu’en 2020, 20% de la SAU soient convertis en bio.

La France manque de produits bio. L’agriculture biologique représente aujourd’hui 2% des surfaces agricoles. Sur 550.000 ha, 1.500 producteurs font face à une demande de produits alimentaires qui augmente de 9,5% par an. Dans ce contexte de demande soutenue, la production peine à suivre. En Europe, la France est, avec l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni, l’un des pays où le marché des produits bio est le plus dynamique. Contrairement à nos voisins, nous n’avons pas su adapter la production en conséquence. Alors que la France se plaçait en tête dans les années quatre-vingt, elle se retrouve aujourd’hui en 19e position dans l’Union européenne pour ce qui est de la part des surfaces bio dans la SAU nationale.

Pour éviter que cet écart grandissant entre l’offre et la demande ne laisse la part trop belle aux importations (elles représentent déjà presque la moitié des produits bio consommés), un plan de relance de l’agriculture biologique a été mis en place. Présenté par le ministre de l’Agriculture, Michel Barnier, et entériné par le Grenelle de l’environnement, le plan intitulé «Agriculture biologique à l'horizon de 2012» a pris la forme d’un projet de loi. Les objectifs consistent à passer en agriculture biologique 6% de la SAU en 2012 (cette échéance a été retardée d’un an), à viser 20% en 2020 et à atteindre 20% de produits bio dans la restauration collective publique.

 

Des aides peu incitatives

La plupart des acteurs concernés ont salué l’ambition du plan, tout en s’interrogeant sur les moyens. «Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est ambitieux. Si l’on y parvenait, le bio sortirait de son créneau marginal pour offrir une alternative crédible à l’agriculture conventionnelle, confie Vincent Perrot, délégué général de la Fnab (Fédération national de l’agriculture biologique). Concernant les moyens, les aides à la conversion ne sont pas assez incitatives pour un céréalier. Elles sont plafonnées à 38 ha. Les enveloppes en jeu ne permettent pas non plus de satisfaire les objectifs. Nous comptons beaucoup sur l’article 69 du règlement européen qui permet de prélever une partie des aides directes du premier pilier pour les affecter à des filières innovantes et soutenir l’agriculture bio.» La Fnab a calculé qu’il faudrait 500 millions d’euros pour les conversions et 250 millions pour le maintien. Le problème est que ces aides dépendent en partie des régions, et les situations sont variables.

Les aides au maintien, que les organisations professionnelles bio préfèrent baptiser «rémunérations de reconnaissance» (pour les services environnementaux et sociaux que la production bio rend à la collectivité), se résument à un crédit d’impôt de 2.000 euros (qui devrait doubler l’an prochain) ou à des aides à l’hectare plafonnées à 7.600 euros pour les régions qui les ont adoptées. «Il faudrait de véritables aides au maintien. La plupart des pays européens ont mis en place un système de primes à l’hectare, non plafonnées, de l’ordre de 100 à 150 euros, voire 300 euros dans le sud de l’Italie», révèle Alain Nebout, technicien bio à la chambre d’agriculture de la Creuse.

Dans le Rhône-Alpes, l’une des régions leaders en production bio, Corabio (Fédération régionale des agriculteurs bio) a fait ses comptes. L’objectif de triplement des surfaces qui permettrait à l’agriculture régionale d’être autosuffisante nécessiterait une enveloppe de 75 millions d’euros, soit douze fois ce qui est programmé. Au niveau national, il faudrait multiplier le nombre de conversions par dix pour atteindre cet objectif. «Nous sommes enchantés de l’annonce du plan Barnier et de la prise de conscience qu’elle implique. Le mode de production biologique est le plus respectueux de l’environnement et de la santé des hommes. Mais nous sommes réservés sur les moyens, explique David Peyremorte, président de Corabio. La volonté politique est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Quand nous voyons que les crédits affectés à nos structures ont été réduits de 20% en 2007, nous nous interrogeons.»

Dans les autres organisations professionnelles agricoles, les réactions sont plus mitigées. Pour Etienne Gangneron, agriculteur bio de la FNSEA, «6% d’ici à 2012 est irréaliste ! Il n’y a pas de moyens pour faire décoller le bio», affirme-t-il. Jean-Louis Cazaubon, représentant de l’APCA, souligne la difficulté pour les candidats qui s’interrogent à franchir le pas: «C’est ambitieux, mais cela montre la volonté d’agir», souligne-t-il. Chez les JA, Rémy Fabre, maraîcher bio en Ardèche, est plus optimiste: «6%, c’est réalisable si l’on compte les surfaces déjà en conversion», calcule-t-il, même s’il reconnaît que les agriculteurs conventionnels conservent de la production bio une vision qui ne correspond plus à la réalité. «Ils voient le bio comme il y a cinq ans, avec des prix moins élevés et moins de débouchés. Or la situation a changé, on manque de produits bio et les prix se sont relevés.»

Jamais les conditions n’ont été aussi favorables à un essor de la production bio. Pourtant, aucun élan notable ne semble émerger. Des incitations économiques insuffisantes, le poids culturel du modèle conventionnel et la réaction défensive de la profession agricole sont souvent évoqués pour expliquer cette réticence. Un aspect psychologique est également mis en avant : passer en bio serait considéré comme un recul. «Il faut dépasser les clivages dogmatiques. Pendant longtemps, les producteurs bio ont été considérés comme des donneurs de leçons qui ne gagnaient pas leur vie et laissaient leurs parcelles sales. Mais les choses changent grâce notamment à une catégorie d’agriculteurs passionnés par la technique et qui ont su préserver les liens avec le monde agricole, favorisant ainsi les échanges», explique Yvan Gautronneau, professeur à l’Isara (Institut supérieur d’agriculture et d’agroalimentaire de Rhône-Alpes) de Lyon. Il se consacre à l’étude du bio depuis quarante ans.

Le souvenir encore tenace d’une époque où, sous l’impulsion de CTE conversion très attractifs (jusqu’à 150.000 euros sur cinq ans), des agriculteurs s’engageaient dans l’agriculture bio sans trouver de débouchés est une autre explication. Même si la situation est radicalement différente aujourd’hui, avec une demande de produits devenue pressante. Les agriculteurs qui hésitent à franchir le pas s’interrogent sur les conséquences techniques (rendements, maîtrise de la production) et économiques (rentabilité) d’un tel saut. La peur des risques et des investissements à engager est un frein réel. Sans compter que la conjoncture actuelle, avec des prix agricoles qui flambent, ne constitue pas un contexte propice aux conversions. «Pourtant, toutes les études le montrent, le mode de production bio est devenu rentable. Nous avons un travail d’information à faire auprès des agriculteurs pour les convaincre. Nous sommes prêts à les accompagner», confie David Peyremorte.

Il reste que s’engager dans une conversion représente un défi. Cultiver sans avoir recours à des produits de synthèse, élever des animaux pratiquement sans traitement allopathique est une véritable remise en cause. «Il y a une exigence de haute technicité. En agriculture conventionnelle, à un problème correspond une recette. En bio, c’est à l’agriculteur de trouver sa solution. Il faut raisonner en terme de système. C’est plus pointu, plus compliqué, mais tellement passionnant », argumente Yvan Gautronneau.

 

Une demande en produits bio en hausse de 20%

Du côté de l’aval, les filières s’organisent. Mais la faiblesse des volumes traités, la dispersion des entreprises et des exploitations rend l’organisation de la collecte et de la transformation coûteuse. «Nous avons des gains logistiques à faire pour optimiser les coûts. Mais le vrai problème reste la production», remarque Serge Le Heurte, responsable filières végétales et qualité chez Biocoop, un des principaux réseaux de commercialisation. Il regroupe trois cents magasins spécialisés et son activité augmente de plus de 20% par an. «Si l’on veut continuer à s’approvisionner en France, il va falloir que la production suive», poursuit-il. Cécile Frissur, déléguée générale de Synabio (Syndicat national des transformateurs de produits naturels et de culture biologique) confirme: «Nous manquons de production dans toutes les filières. Depuis le début de l’année, la demande de produits bio a progressé de 20%. L’effet Grenelle a joué à plein.»

Le marché bio a une particularité historique: les exploitations se sont d’abord développées par la vente directe. «Aujourd’hui, nous avons besoin d’exploitations qui répondent aux besoins des opérateurs », ajoute Cécile Frissur. Ce qui suppose que soit réglée la question de la normalisation et de la valorisation des produits. «C’est pour cette raison que nous invitons les producteurs intéressés à se rapprocher des entreprises pour définir avec elles, par la contractualisation, les besoins.» Les filières se tiennent prêtes à accueillir les producteurs. Certaines entreprises proposent même de les accompagner. C’est le cas de la coopérative Orlac, du groupe Sodiaal, qui a mis en place un plan de relance des conversions laitières en liaison avec la chambre d’agriculture et le contrôle laitier: «Afin d’assurer une chaîne de coûts cohérente, nous avons ciblé un territoire sur les monts du Pilat et du Forez, où nous avions déjà développé une zone de collecte. Il s’agit d’une région de moyenne montagne où la production laitière extensive, essentiellement à base d’herbe, présente des conditions favorables au passage en bio. Nous disposons déjà de 3,5 millions de litres et du même volume d’engagements. Pour 2009, nous espérons collecter 15 millions de litres», expose Jean-Paul Picquendar, directeur de la coopérative Orlac. La laiterie s’engage auprès des producteurs par un accompagnement technique pendant la période délicate de la conversion. Au cours de ces deux années, elle offre une prime « de conversion» de 30 euros par 1.000 litres pour compenser le surcoût lié au changement de mode de production. Ensuite, une prime bio de 80 €/1.000 litres est servie aux éleveurs.

Le véritable point de blocage est bien le manque de conversions. L’Agence Bio l’a bien compris qui, pour susciter des vocations, organise le 13 juin, à Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), les premières rencontres nationales entre professionnels du secteur bio et agriculteurs. Une journée d’information qui vise à fournir des repères pour faciliter la conversion des exploitations et à répondre aux questions des agriculteurs sur la conduite du changement et les clés de sa réussite.

par Sophie Bergot, Jean-Aalix Jodier, Isabelle Lejas,Marie-Gabrielle Miossec et Juliette Talpin

(publié le 30 mai 2008)



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